Wolters Kluwer collabore avec de nombreux professionnels de haut niveau. Des experts qui signent des publications de référence. Dans cette interview, Wouter Dister partage ses expériences et ses connaissances en qualité de chercheur du projet pilote belge de coopération en matière de conformité fiscale. Il aborde les défis qu’il a rencontrés pendant son doctorat, livre ses recommandations à l’attention du législateur belge ainsi que sa vision des futures relations entre les contribuables et l’administration fiscale.
Wouter Dister à propos du projet pilote belge « Co-operative Tax Compliance Programme »
Wouter Dister
Fonction: Professeur invité à l’Université d’Anvers - Avocat au cabinet Arteo
Spécialisation: Droit fiscal
Publication Wolters Kluwer: The Belgian Co-operative Tax Compliance Pilot Project. Key Success Indicators
Formation : Master en droit, master de spécialisation en droit fiscal et doctorat – Université d’Anvers
Qu’est-ce qui vous a incité à vous lancer dans le projet pilote belge de coopération en matière de conformité fiscale?
Pendant mes études de droit, j’ai toujours pensé devenir avocat. Lors de la soutenance de ma thèse de master, mes promoteurs m’ont suggéré d’envisager le doctorat. Un peu plus tard, lorsque la professeure Anne Van de Vijver m’a demandé de faire un doctorat sur le projet pilote belge de coopération en matière de conformité fiscale , j’ai accepté avec enthousiasme.
Ce projet de recherche m’a intéressé en raison de son lien étroit avec la pratique. Il me permettrait de discuter avec des représentants de l’administration fiscale et des entreprises participant au programme, au lieu de rester le nez plongé dans les livres.
Vos recherches vous ont-elles amené à formuler des recommandations spécifiques que vous espérez voir adopter par le législateur ou l’administration fiscale belge ?
L’une des principales recommandations que je formule dans le cadre de mon étude est de fournir davantage d’informations sur le programme, tant aux participants qu’au grand public. J’ai constaté qu’il y avait souvent un manque de clarté sur le fonctionnement concret du programme, mais d’autres études montrent également que lorsque les participants (potentiels) et le grand public ne sont pas bien informés sur de tels programmes, cela peut susciter des réticences et de la méfiance.
Au cours de la période considérée (2019 à début 2022), les brochures d’information sur le site internet de l’administration fiscale constituaient la seule source d’information sur le programme de coopération en matière de conformité fiscale. Dans ces brochures, l’administration présentait les grandes lignes du programme. Leur contenu était plutôt limité, ce qui a entraîné une certaine ambiguïté et une incertitude quant au fonctionnement concret du programme. Cet aspect s’est révélé particulièrement problématique pour la mise en œuvre et l’analyse des cadres de contrôle fiscal - l’une des exigences de ce programme.
L’administration a manifestement fait des efforts sur ce point après la période couverte par mon étude. Depuis, elle a non seulement publié une brochure plus complète, mais aussi un guide d’évaluation des cadres de contrôle fiscal. Bien qu’il subsiste certaines zones d’ombre et que quelques nouvelles imprécisions se soient glissées dans le texte, il me semble que cela représente une avancée majeure dans la communication autour du programme. Une étape qui, je l’espère, répondra aux doutes ou aux incertitudes des entreprises qui envisagent de participer au programme.
Quelle est la découverte la plus surprenante que vous ayez faite au cours de vos recherches ?
Ce qui ne cesse de me surprendre, c’est la qualité des relations personnelles entre les participants, tant du côté des entreprises que de l’administration, et leur capacité à collaborer efficacement tout au long du programme.
Au fil de mes recherches, j’vais constaté que cette collaboration se déroulait bien, mais cela ne m’avait pas tellement surpris à ce moment-là. Je venais de quitter les bancs de l’université et je n’avais aucune expérience pratique. Maintenant que j’ai plusieurs années de pratique, et que j’entends également diverses expériences de la part de mes confrères avocats et de titulaires de professions économiques, je suis étonné de la qualité des relations dans le cadre du projet pilote.
Plusieurs obstacles sont toutefois apparus, par exemple lorsqu’une entreprise participant au programme a été sélectionnée au niveau central pour un grand nombre de contrôles fiscaux. Ces moments ont parfois été difficiles pour les deux parties. Néanmoins, les entreprises et les autorités fiscales ont presque toujours essayé de trouver une solution de fondée sur la coopération, sans chercher à se mettre des bâtons dans les roues.
C’est un point très positif, et pourtant cela n’allait pas de soi. En effet, il est très facile pour les deux parties de camper sur leurs positions, au lieu de trouver des solutions ensemble.
Quelles sont les prochaines étapes que vous envisagez en tant que chercheur et expert dans ce domaine ?
Je participe actuellement à un projet de recherche mené par l’Université de Liège et l’Université d’Anvers sur les moyens d’améliorer les relations (de travail) entre les contribuables et l’administration fiscale en Belgique. Alors que dans le cadre de mon doctorat, j’ai spécifiquement étudié la relation entre l’administration fiscale et les très grandes entreprises du pays qui participaient au programme de coopération en matière de conformité fiscale, nous examinons pour cette étude-ci les relations avec les entreprises de toutes tailles.
Dans le cadre de cette étude, j’ai été principalement impliqué dans une analyse de la littérature afin d’identifier les meilleures pratiques d’autres pays. Après ce premier volet, une enquête a été menée auprès de nombreux contribuables, intermédiaires fiscaux (tels que les comptables et les avocats fiscalistes) et fonctionnaires du fisc, afin de recueillir leurs expériences sur les relations entre les contribuables et l’administration fiscale, et d’explorer plusieurs pistes visant à améliorer ces relations.
Les contributions des participants sont en cours d'analyse par de collègues. Je suis impatient de connaître les résultats.
Quelles ont été les principales difficultés rencontrées au cours de votre doctorat et comment les avez-vous surmontées ?
L’un des plus grands défis a été la pandémie de covid-19. J’avais collecté des données depuis quelques mois lorsque la pandémie a éclaté, soulevant de nombreuses questions. Non seulement sur la manière dont le programme allait se poursuivre, mais aussi sur la manière dont j’allais continuer mes recherches - après tout, je collectais principalement des données grâce à des entretiens en tête à tête.
Finalement, tout s’est bien passé. Malgré la pandémie, le programme s’est poursuivi. Il a subi quelque retard, cependant, et l’impossibilité de se rencontrer a entravé le développement de relations de confiance pour certains partenariats. Heureusement, mon étude a également pu se poursuivre avec quelques ajustements. Il a notamment fallu passer à des entretiens en ligne, dont la dynamique est différente de celle des entrevues en présentiel.
Vous combinez votre travail académique en tant que professeur invité avec votre fonction d’avocat au cabinet Arteo. Comment conciliez-vous ces deux fonctions ?
Ce n’est pas toujours évident, mais cela crée des synergies. Ce que j’apprends dans mon travail d’avocat est utile pour les cours que je donne à l’université et vice versa. Il n’empêche que les débuts dans la profession d’avocat sont très intenses et que la préparation des cours demande plus de travail que ce que l’on pourrait croire à première vue. J’ai dû sacrifier des soirées et des week-ends pour parvenir à concilier mon travail académique et mon métier d’avocat.
Heureusement, chez Arteo, j’ai la possibilité de combiner les deux. Cette combinaison est vivement encouragée au sein de notre cabinet et il est d’ailleurs à noter que beaucoup de mes confrères ont aussi une activité académique.