Dans cette contribution, nous rappelons les lignes de force applicables au régime VVPR-bis, puis nous résumons les modifications apportées par la loi.
Conditions du régime et contexte de la réforme
Le régime VVPR-bis (« VVPR » pour « Verlaagde Voorheffing-Précompte Réduit ») est prévu à l'article 269, § 2, du Code des impôts sur les revenus 1992. Sous réserve de certaines conditions, il permet de réduire le taux du précompte mobilier retenu sur des dividendes distribués à respectivement 20 % ou 15 % (au lieu de 30 %), selon que ces dividendes sont distribués lors de la répartition bénéficiaire du deuxième ou du troisième exercice comptable (ou suivant) qui suit celui de l'apport.
Pour les dividendes payés ou attribués jusqu'au 31 décembre 2021, le bénéfice du régime VVPR-bis était soumis aux conditions suivantes :
- conditions relatives à la société distributrice : la société qui distribue les dividendes doit être une « petite société » lors de la période imposable au cours de laquelle un apport en capital (qui répond aux conditions visées ci-dessous) a lieu ;
- conditions relatives aux titres que les dividendes rémunèrent : les dividendes doivent provenir de nouvelles actions ou parts nominatives (i) émises à partir du 1er juillet 2013 par voie de nouveaux apports en numéraire et sans droits préférentiels, et (ii) détenues en pleine propriété de façon ininterrompue depuis l'apport ; et
- conditions relatives aux apports : les apports ne peuvent provenir d'une réduction de capital effectuée dans le cadre d'une liquidation soumise au précompte mobilier réduit et, au moment de l'attribution ou de la mise en paiement des dividendes, les montants souscrits doivent être entièrement libérés.
Ces dernières années, la condition de libération intégrale des apports a fait couler beaucoup d'encre. En effet, jusqu'au 31 avril 2019, sous son ancienne mouture, le régime VVPR-bis prévoyait que les sociétés devaient respecter la règle du capital minimal. Cette condition avait pour conséquence de rendre uniquement éligibles au bénéfice du régime VVPR-bis les sociétés dont le capital libéré au moment de l'attribution ou de la mise en paiement des dividendes correspondait au capital minimum des anciennes sociétés privées à responsabilité limitée (18.550 €).
A partir du 1er mai 2019, à la suite de l'adoption du CSA et de la disparition de la notion de « capital » pour certaines formes de sociétés, cette condition a été logiquement abrogée. Une discussion est alors apparue concernant la manière dont cette abrogation devait être interprétée pour les SPRL préexistantes au 1er mai 2019 (dont le capital libéré équivalait – généralement – au minimum devant être libéré à la constitution, soit 6.200 €) et son articulation avec la condition de libération intégrale : pour bénéficier du régime VVPR-bis, au moment de l'attribution ou de la mise en paiement des dividendes, devaient-elles encore libérer les apports jusqu'au montant du capital minimum requis ? Si oui, devaient-elles le faire pour toutes les sommes distribuées après le 1er mai 2019 ou seulement pour celles issues de réserves constituées antérieurement à cette date ?
D'aucuns considéraient que cette condition ne devait plus être remplie dans le chef de ces sociétés. Par conséquent, certaines d'entre elles ont dispensé leurs actionnaires de libérer le capital souscrit ou même réduit leur capital jusqu'au montant déjà libéré (ou jusqu'au minimum d'un euro symbolique). Deux décisions anticipées semblaient avoir clôturé le débat en confirmant que ces opérations pouvaient être réalisées sans remettre en cause le bénéfice du régime VVPR-bis.
Dividendes attribués à partir du 1er janvier 2022
Libération totale des sommes souscrites à l'occasion de l'émission des actions ou parts
La loi impose désormais, pour le bénéfice du régime VVPR-bis, la libération totale des sommes souscrites lors de l'émission des actions ou parts nouvelles nominatives, faisant suite à la constitution ou l'augmentation de capital de la société. Partant, si elles souhaitent bénéficier du régime VVPR-bis, les sociétés qui ont profité de la réforme du droit des sociétés pour accorder à leurs actionnaires une dispense de libération totale ou une réduction de leur capital devront libérer les sommes initialement souscrites.
Pour les sociétés qui ont octroyé une telle dispense entre le 1er mai 2019 et le 15 décembre 2021, la loi du 21 janvier 2022 prévoit toutefois un régime transitoire qui leur permet de conserver le bénéfice du régime VVPR-bis pour autant qu'elles procèdent à une augmentation de capital en numéraire « jusqu'à concurrence du montant initialement souscrit avant la dispense de libération » avant le 31 décembre 2022. Cette augmentation de capital ne doit plus obligatoirement « être assortie de l'émission d'actions ou de parts nouvelles ».
Si les sociétés concernées se conforment à cette obligation, et dès lors que les autres conditions du régime VVPR-bis sont également rencontrées, le bénéfice de son application sera conservé. Notons que la loi n'impose pas que les montants effectivement libérés soient conservés par la suite. Une réduction de capital ultérieure pourrait le cas échéant avoir lieu. C'est d'ailleurs ce que confirme une intervention du ministre des Finances en commission des Finances de la Chambre : une « réduction ultérieure des montants effectivement libérés n'empêche pas l'application ultérieure du régime dit VVPRbis » (rapport, n° 55-2351/4, 34). Dans le cas d'une telle réduction, il faudra toutefois être vigilant puisqu'elle se fera avec prélèvement « en priorité sur les capitaux libérés en exécution de l'opération de constitution ou d'augmentation du capital ».
Contrairement à ce qui avait initialement été évoqué, la loi du 21 janvier 2022 ne prévoit pas de modification du point de départ du délai d'attente, qui reste la date de l'apport (et non la date de « la libération totale des sommes souscrites »), i.e. : « lors de la répartition bénéficiaire du deuxième exercice comptable qui suit celui de l'apport effectué lors de la constitution de la société ou d'une augmentation de son capital, ou des exercices suivants ».
Interdiction d'assortir les actions ou parts d'un droit préférentiel
Auparavant, aucune action ou part préférentielle ne pouvait être créée à l'occasion de l'augmentation du capital dans le cadre du régime VVPR-bis. La loi du 21 janvier 2022 reformule légèrement cette condition, et prévoit désormais que « les actions ou parts ne peuvent être assorties d'aucun droit préférentiel en matière de participation au capital ou aux bénéfices ou en matière de répartition de l'avoir ». L'on peut sans doute déduire de cette formulation, et particulièrement du fait que la loi reste muette quant au moment où doit s'effectuer la vérification, que cette interdiction vaut tant au moment de l'émission des actions ou parts qu'à tout autre moment.
Apports excluant le bénéfice du régime VVPR-bis
La loi du 21 janvier 2022 ajoute un troisième type d'apport excluant l'application du régime VVPR-bis. Pour rappel, deux premiers cas d'exclusion étaient déjà prévus dans le régime antérieur, et concernaient les sommes provenant de certaines (i) distributions de réserves taxées et (ii) réductions de capital. Le troisième type d'apport exclu concerne les sommes provenant de la distribution de « réserves de liquidation » par une société liée ou associée à une personne, et sur laquelle un précompte mobilier au taux réduit de 5 % a été prélevé.
En d'autres termes, lorsqu'un actionnaire reçoit une telle distribution de la part d'une société qui lui est liée ou associée, et qu'il investit les montants reçus dans le capital d'une autre société, le bénéfice du régime VVPR-bis lui sera refusé.
Précision quant au champ d'application du régime VVPR-bis
A titre de clarification vis-à-vis du régime antérieur, la loi prévoit désormais explicitement que le régime VVPR-bis s'applique aux dividendes provenant d'actions ou de parts nominatives nouvelles émises tant à l'occasion de la constitution de la société que d'une augmentation de son capital.
Les modifications que nous avons exposées ci-dessus sont entrées en vigueur pour tous les dividendes attribués ou mis en paiement à partir du 1er janvier 2022. Les sociétés qui souhaitent obtenir ou conserver le bénéfice du régime VVPR-bis doivent dès lors s'y conformer. Comme nous l'avons déjà souligné, ce sont particulièrement les sociétés qui ont profité de la suppression de l'exigence de capital minimum pour octroyer à leurs actionnaires une dispense de libération des sommes souscrites (ou réduire leur capital) qui devront impérativement faire preuve de diligence si elles souhaitent maintenir l'application du régime VVPR-bis à tous les dividendes qu'elles distribuent. On peut en définitive s'interroger sur l'intérêt de cette réforme, si ce n'est rendre une visite à son notaire.