carry-back des pertes fiscales
Fiscalité et comptabilité 03 septembre, 2021

Comment intégrer la déduction anticipée des pertes (carry back) dans votre déclaration à l'impôt des sociétés ?

Les sociétés, les travailleurs indépendants et les professions libérales qui ont subi des pertes financières en 2020 des suites de la crise du coronavirus, peuvent appliquer le système de « carry back » (ou transfert rétrospectif) des pertes tant à l'ISOC qu'à l'IPP. Ce système permet aux entreprises de déduire les pertes prévues au cours de l’exercice de leurs bénéfices de la déclaration portant sur l’exercice précédent. Pour ce faire, les entreprises se voient offrir la possibilité de se constituer une réserve exonérée temporaire dans la déclaration de l’exercice précédent, qui sera alors déduite des bénéfices de cet exercice. Dans l’impôt des personnes physiques, un régime similaire est prévu pour les travailleurs indépendants et les professions libérales, ainsi que pour les non-résidents et les personnes physiques.

Réserve exonérée temporaire

Pour l’exercice d’imposition 2019, 2020 ou 2021 correspondant à un exercice comptable clôturé au cours de la période allant du 13 mars 2019 à 31 décembre 2020, une société peut revendiquer l’exonération temporaire de tout ou partie du résultat de la période imposable en raison des pertes éventuelles supportées au cours de la période imposable suivante qui se rattache, selon le cas, à l’exercice d’imposition 2020, 2021 ou 2022, dans les limites et aux conditions prévues ci-après.

L’exonération est opérée par la constitution d’une réserve exonérée temporaire qui est déduite du montant total des bénéfices réservés imposables d’une période imposable qui se clôture au cours de la période allant du 13 mars 2019 au 31 décembre 2020. La réserve exonérée temporaire ne peut être constituée que pour une seule période imposable clôturée dans l’intervalle allant du 13 mars 2019 au 31 décembre 2020.

Le montant de l’exonération ne peut pas être plus élevé que :

  • le montant du résultat de la période imposable, déterminé comme si l’exonération visée par le présent article n’était pas revendiquée, et diminué des revenus déductibles visés aux articles 202 à 205/1 et 543 qui ont été perçus au cours de la période imposable ;
  • 20 millions d’euros.

Pas de distributions de dividendes, pas de liens avec un paradis fiscal…

L’exonération ne s’applique pas aux sociétés qui ont effectué durant la période du 12 mars 2020 jusqu’au jour de l’introduction de la déclaration se rattachant à l’exercice d’imposition 2021, un rachat d’actions ou de parts propres, ou une attribution ou distribution de dividendes visée à l’article 18, en ce compris les distributions de réserves de liquidation visées aux articles 184quater et 541, ou une diminution de capital, en ce compris la diminution de capital visée à l’article 537 ou toute autre diminution ou distribution de capitaux propres.

Ce régime n’est pas non plus applicable à certaines sociétés d’investissement, sociétés coopératives en participation et sociétés de navigation maritime qui sont soumises à l’impôt sur les revenus. Ensuite, ce régime n’est pas applicable aux entreprises qui pouvaient être considérées comme entreprises en difficulté au 18 mars 2020.

Enfin, ce régime n’est pas applicable aux sociétés qui, au cours de la période du 12 mars 2020 jusqu’au jour de l’introduction de la déclaration se rattachant à l’exercice d’imposition 2021, soit :

  • détiennent une participation directe dans une société établie dans un État qui est repris dans une des listes visées à l’article 307, § 1er/2, ou un État qui est repris dans la liste visée à l’article 179, AR/CIR 92 ; soit,
  • ont fait des paiements à des sociétés qui sont établies dans un des États visés au premier tiret, pour autant que ces paiements totalisent au cours de la période imposable un montant d’au moins 100.000 euros, et qu’il n’ait pas été démontré que ces paiements ont été effectués dans le cadre d’opérations réelles et sincères résultant de besoins légitimes de caractère financier ou économique.

Pas d’inscription requise

La réserve exonérée n’est pas soumise à la condition d’intangibilité et ne nécessite donc pas d'inscription dans la comptabilité, mais elle doit être traitée dans la déclaration d’impôts. Lorsque la déclaration relative à un ou plusieurs de ces exercices a déjà été introduite au moment de l’entrée en vigueur de cette mesure, une réclamation ou une demande de modification de la déclaration peut être introduite.

Relevé joint à la déclaration

En cas d’exonération, le contribuable est tenu de joindre un relevé 275 COV à la déclaration aux impôts sur les revenus, selon le cas, pour les exercices d’imposition 2019 et 2020 ou pour les exercices d’imposition 2020 et 2021 ou pour les exercices d’imposition 2021 et 2022.

Mécanisme de sanction en cas d’erreur d’estimation des pertes

La loi du 23 juin 2020 a instauré un système de « cotisation distincte » pour contrer la tentation de surestimer les pertes de 2020.


En effet, la réserve exonérée doit correspondre au mieux à la perte réellement supportée en 2020, avec une tolérance de 10%. Si la perte réelle est inférieure à 90% de la réserve constituée, l’écart est soumis à une cotisation distincte en 2020. Cette sanction est d’au moins 2 % et de maximum 40 %. Son calcul est particulièrement complexe.

En quoi consistera le carry back pour l’exercice d’imposition 2021 ? 

Les sociétés qui ont recouru au régime de carry back durant l’exercice d’imposition 2020 devront tenir compte de deux mécanismes de correction pour l’exercice d’imposition 2021 en cas de reprise de la réserve exonérée.

  1. En fonction de la date de clôture des exercices concernés, une différence de taux peut intervenir (étant donné la réforme en trois phases de l’impôt des sociétés). La base imposable pour l’exercice d'imposition 2021 est dès lors augmentée d’un montant égal à 18,32 % de la réserve exonérée afin de neutraliser la diminution du taux de 4,58 % (à savoir 25 % × 18,32 %) (art. 185, § 1er CIR 92). Cette correction constitue une dépense non admise.
  2. Ensuite, une cotisation distincte est prélevée dans la mesure où la perte fiscale effective pour l’exercice d’imposition 2021 est inférieure à 90 % de la réserve exonérée (art. 219ter CIR 92).

Exemple

La société A tient sa comptabilité par année civile. Dans sa déclaration portant sur l’exercice 2019 (ex. d’imp. 2020), elle a appliqué une déduction anticipée de la perte à concurrence de 140 000 €. Imaginons maintenant que cette estimation de la perte de l’exercice 2020 ait manqué de précision et que la perte réelle ne soit que de 100 000 €. A doit avant tout tenir compte d’une dépense non admise de 25 648 € (compensation du taux). Même si A avait correctement estimé la perte de 2020 et appliqué un carry back de 100 000 € en 2019, il subsisterait une dépense non admise de 18 320 €. Étant donné la surestimation de la perte de 2020, A doit également calculer la cotisation distincte. La cotisation est égale à 25 % du résultat fiscal corrigé de 2020, à savoir le résultat après le premier traitement, diminué de la tolérance de 10 % et des éventuelles déduction RDT, déduction pour revenus d’innovation et/ou déduction pour revenus de brevet. La base de la cotisation distincte est alors de 13 912 €.

  Exercice 2019 Exercice 2020
Bénéfice/Perte imposable 250 000 - 100 000 
Réserves exonérées -140 000 140 000 
Compensation du taux 0 25 648 
Résultat fiscal après le premier traitement  110 000 65 648 
Tolérance (10 % × 100 000)   - 10 000
Déductions RDT et pour revenus d’innovation/de brevet   -0
Écart intermédiaire    55 648
Base de la cotisation distincte   13 912

 

Le taux d’imposition est ensuite déterminé ; il doit toujours se situer entre 2 % (limite inférieure) et 40 % (limite supérieure). Ce taux correspond au rapport entre le bénéfice imposable de 2020 (65 648 €) et la perte fiscale sans la reprise de la réserve exonérée (100 000 €), multiplié par 20 %. Il est donc de 13,13 %, ce qui porte la cotisation distincte à 1 826,59 € (soit 13 912 € × 13,13 %). Pour éviter des majorations d'impôt, il est dès lors recommandé de prendre ses dispositions pour faire suffisamment de versements anticipés (la dernière échéance est le 21 décembre 2020). Cela permettra éventuellement de bénéficier du taux majoré de la bonification pour le quatrième trimestre.

Source

Pieter-Jan Wouters (EY Tax Consultants) dans Fiscale Actualiteit n° 2020/41, pages 3-8, semaine 3 - 9 décembre 2020

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