La réforme du Code civil belge se poursuit avec une étape importante : l'insertion du Livre 7 « Contrats spéciaux ». La proposition de loi est le fruit d'une concertation intensive entre les milieux académiques et professionnels et tient explicitement compte des remarques formulées lors d'une large consultation publique. Consultez le commentaire relatif au livre 7 du Code civil au niveau de l'article dans Jura.
Source: Jura
La fonction du droit des contrats spéciaux et sa relation avec le droit commun des contrats
Une modernisation du droit des contrats spéciaux présuppose une bonne compréhension de la raison d'être et de la fonction du droit des contrats spéciaux. En effet, le droit des contrats spéciaux doit être considéré comme un prolongement du droit commun des contrats. Ce faisant, il remplit, à l'égard de ce droit commun des contrats, différentes fonctions:
- Fonction interprétative du droit des contrats spéciaux –L'objectif premier du droit des contrats spéciaux peut être d'appliquer le droit commun des contrats dans le contexte particulier d'un contrat nommé et d'en préciser la portée, sans chercher à s'écarter du droit commun des contrats, lorsque cette application ne découle pas de manière suffisamment évidente des règles pertinentes du droit commun des contrats pour le justiciable moyen.
- Fonction corrective du droit des contrats spéciaux – Le droit des contrats spéciaux peut en outre viser à s'écarter d'une règle du droit commun des contrats dans le contexte particulier d'un certain contrat nommé, ou à nuancer une règle du droit commun des contrats, parce que la pleine application des règles pertinentes du droit commun des contrats à ce contrat nommé est jugée inéquitable, injustifiée ou inefficace.
- Fonction protectrice du droit des contrats spéciaux – Le droit des contrats spéciaux a également une fonction protectrice, protégeant soit la partie réputée faible au contrat nommé, soit l'intérêt général, parce que l'application du droit commun des contrats et de la liberté contractuelle qu'il consacre est considérée comme indésirable. Le droit des contrats spéciaux assure cette protection en prescrivant des règles sous peine de nullité relative ou absolue, en imposant des conditions de forme au contrat nommé ou même en prescrivant des règles de preuve particulières.
- Fonction de facilitation du droit des contrats spéciaux – Enfin, le droit des contrats spéciaux peut avoir une fonction de facilitation, en prévoyant un régime spécial pour certains aspects d'un contrat déterminé, ce qui évite que les parties doivent tout stipuler dans leur contrat, sans pour autant clarifier le droit commun ou s'en écarter à proprement parler. Ce faisant, le législateur complète les accords conclus entre les parties par des dispositions qui, dans l'intention du législateur, visent à une répartition équilibrée et objective des droits et obligations, mais qui ne découle pas directement du droit commun des contrats. Ces dispositions ne sont pas de droit impératif, mais en principe de droit supplétif parce qu'elle sont censées correspondre à la volontée présumée des parties.
La réforme, ses raisons et ses lignes directrices
Les titres VI à VIII, X à XIII et XV du livre III de l'ancien Code, qui font l'objet de la réforme, sont largement inspirés des œuvres fondatrices de Domat et Pothier qui à la fin du XVIIème siècle, pour l'un, et au XVIIIème siècle pour l'autre, ont tenté de systématiser le droit coutumier en le revisitant à la lumière du droit romain.
Le caractère synthétique, essentiellement technique et pragmatique de ces textes du Code civil de 1804 a permis à ceux-ci de traverser deux siècles sans qu'ils doivent être substantiellement revus.
Seul le droit du bail a connu des remaniements plus importants. Encore ces remaniements ont-ils essentiellement eu pour objet de réglementer certains baux particuliers dans un souci de protection des locataires. Tel est le cas des baux d'habitation, des baux commerciaux et des baux à ferme, autant de baux dont la règlementation relève aujourd'hui de la compétence des Régions.
Le droit de la vente a par ailleurs été complété de textes concernant les ventes à des consommateurs issus de directives UE (“Dispositions relatives aux ventes à des consommateurs”, art. 1649bis à 1649nonies de l'ancien Code civil, et “Des contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques”, art. 1701/1 à 1701/9 de l'ancien Code civil, qui transposent respectivement les directives 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 et 2019/770 et 2019/771 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019.
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Les modifications, ou plutôt les ajouts au Code civil de 1804, n'en ont cependant pas affecté les principes. Il reste que, dès lors que le droit des obligations contractuelles avait fait l'objet d'une réforme en profondeur (livre 5 du Code civil), il était indispensable que, dans la foulée, l'on s'attache à une révision du droit des contrats spéciaux en prenant en compte les évolutions de la jurisprudence et de la doctrine.
Tout en innovant, le texte en projet n'entend pas bouleverser le droit positif des contrats spéciaux. Si sur certains points il peut paraître remettre en cause les catégories classiques des contrats nommés, comme c'est le cas lorsqu'on traite des contrats de service, ces innovations sont largement “cosmétiques” et ne rompent pas avec la tradition du droit belge tel qu'il a évolué jusqu'à ce jour. Ainsi conçue, la réforme s'articule autour de quatre lignes directrices.
Simplification
Un bon droit des contrats spéciaux se doit d'être inspiré par le principe de “l'économie des règles juridiques”. Ainsi, le texte proposé vise une simplification des textes existants par la suppression de nombreux articles qui s'avèrent inutiles dans la mesure où ils ne sont que des applications du droit commun des contrats, consacré dans le livre 5 du Code civil. De plus, le texte proposé s'est efforcé, dans les limites imposées par les directives UE concernées, de simplifier et systématiser les dispositions propres aux ventes aux consommateurs qui souvent ne constituent que l'application de principes de droit commun.Restructuration
Une restructuration des dispositions de l'ancien Code civil relatives au louage d'ouvrage (contrat d'entreprise), au dépôt et au mandat s'est imposée pour les soumettre à un régime commun. Au cours des quarante dernières années, en effet, la doctrine a mis en lumière que ces contrats portant sur des services étaient largement soumis aux mêmes règles. Le dépôt salarié n'est, si l'on y réfléchit, qu'une forme de contrat d'entreprise portant sur la conservation d'une chose. Nombre de contrats d'entreprise impliquent d'ailleurs que l'entrepreneur soit amené à assurer la garde d'une chose sur laquelle des travaux doivent être réalisés. Il suffit de penser au contrat conclu avec un garagiste appelé à réparer ou entretenir une voiture.Certes, le droit du mandat a la particularité de comporter des dispositions relatives au pouvoir de représentation du mandataire. Mais celles-ci ont largement perdu leur actualité en raison de l'article 1.8 du Code civil relatif à la représentation. Si l'on envisage les relations contractuelles existant entre mandant et mandataire, on observera qu'elles ne se distinguent guère des relations entre client et prestataire. Seuls se démarquent les articles qui sont liés au caractère intuitu personae du contrat de mandat. Aussi la proposition de loi opère-t-elle l'intégration du droit du louage d'ouvrage, du dépôt et du mandat en un contrat de service unique. Seules certaines dispositions particulières sont maintenues pour le mandat.
Cohérence entre les différents contrats nommés
Les textes proposés veillent à assurer une cohérence entre les différents contrats nommés. C'est ainsi, par exemple, que l'obligation de délivrance” conforme se retrouve tant dans la vente que dans le bail ou dans les contrats de service. Aussi a-t-on veillé à harmoniser le régime de cette obligation dans toute la mesure du possible compte tenu des particularités de ces contrats.Perspective comparative
Une révision des textes existant s'opère à la lumière du droit des pays voisins ou de textes internationaux telle la convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises. C'est ainsi que le droit de la vente a subi une modification majeure. À l'image de la convention de Vienne ainsi que du régime des ventes aux consommateurs, la proposition fusionne l'obligation de délivrance d'un bien conforme et la garantie des vices cachés. Le vice caché n'est, en effet, qu'un défaut de conformité caché. Par ailleurs, les actions rédhibitoire et estimatoire applicables en matière de vices cachés comportent des dérogations au droit commun des contrats qui n'ont d'autre justification que leur origine historique.La structure du livre 7
La proposition de livre 7 comporte sept titres.
- Le premier concerne le statut en principe supplétif des dispositions nouvelles et la définition des notions de “consommateur” et d'“entreprise” au sens de ce livre. Ces notions doivent en effet s'entendre à la lumière des directives UE transposées dans certaines dispositions nouvelles.
- Le titre 2 est consacré à la vente et à l'échange.
- Le titre 3 est consacré au droit du bail dans la mesure où il relève encore de l'État fédéral, à savoir le droit commun du bail, dont les baux de biens meubles et les baux de bureaux. De plus, le titre aborde le prêt à usage.
- Le titre 4 traite des contrats de service.
- Le titre 5 a été réservé pour le prêt relatif à un bien fongible qui ne fait pas l'objet de la présente proposition de loi.
- Le titre 6 contient les règles propres aux contrats aléatoires.
- Enfin, le titre 7 concerne les contrats portant sur un litige. Il regroupe le séquestre et la transaction.
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