1) Droit du travail
Exécution du contrat
Trib. trav. Hainaut (div. Tournai), 11 février 2022, R.G. 21/256/A (Terra Laboris)
Concurrence déloyale : le Tribunal rappelle les interdictions figurant à l’article 17 de la loi du 3 juillet 1978 telle que modifiée par la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection des secrets d’affaires. Dans ce jugement, le Tribunal rappelle que le principe de la liberté contractuelle trouve ses limites dans les droits garantis par d’autres sources du droit, notamment par la liberté du travail qui figure à l’article 23 de la Constitution et à l’article II.3 du Code de droit économique. Chacun est autorisé à exercer l’activité économique de son choix, et ceci ne peut être restreint par une clause contractuelle.
Suspension du contrat
Cass., 23 mars 2022 P.21.1500.F (G. Jacquemart)
Droit de grève vs Cassation : la Cour rejette le pourvoi introduit contre un arrêt fort commenté de la Cour d’appel de Liège du 19 octobre 2021 qui avait condamné à des amendes et des peines d’emprisonnement avec sursis, 17 syndicalistes ayant bloqué l’autoroute Liège-Aix-la Chapelle en octobre 2015. Les conclusions de la Cour de cassation sont cinglantes.
Trib. trav. Hainaut (div. Charleroi), 14 mars 2022, R.G. 21/2.171/A (Terra Laboris)
Montant de l’allocation complémentaire due au travailleur protégé : le Tribunal reprend la jurisprudence de la Cour de cassation sur le calcul de l’indemnité complémentaire due par l’employeur en complément aux allocations de chômage en cas de suspension du contrat de travail d’un travailleur protégé au sens de la loi du 19 mars 1991.
Trib. trav. Liège (div. Dinant), 25 février 2022, R.G. 21/303/A (Terra Laboris)
Chômage temporaire corona et recours abusif : le Tribunal analyse les modifications intervenues à la notion de chômage pour force majeure suite à la crise du Covid-19 et aux mesures prises par les deux arrêtés royaux des 30 mars 2020 et 24 juin 2020.
Rupture du contrat
Cass., 12 avril 2021 RG S.20.0050.N/1 (G. Jacquemart)
Motif grave et conseiller en prévention : la Cour valide le principe selon lesquels en cas de licenciement pour motif grave non reconnu par les juridictions du travail, l'indemnité de protection est due si les raisons invoquées ne sont pas étrangères à l'indépendance du conseiller en prévention licencié ou si l'employeur fait valoir mais ne prouve pas l'incapacité du conseiller en prévention à continuer d'exercer sa fonction.
C. trav. Bruxelles, 2 mars 2022, R.G. 2019/AB/71 (Terra Laboris)
Non-audition dans le secteur public : la Cour reprend la position des hautes cours quant à la question de l’obligation préalable au licenciement du contractuel du secteur public, débat auquel deux arrêts de la Cour constitutionnelle ont mis fin.
Trib. trav. Liège (div. Liège), 24 février 2022, R.G. 21/8/A (Terra Laboris)
Motif grave et audition : le Tribunal conclut au non-respect du délai de trois jours entre la connaissance des faits et le congé notifié pour motif grave, dans l’hypothèse où est intervenue, après plusieurs semaines, l’audition du travailleur sur des faits susceptibles d’entraîner son licenciement sur le champ, l’employeur n’établissant pas la tenue de mesures internes de contrôle ou d’enquête avant l’audition elle-même, dont il se borne à préciser qu’elle en constitue le dernier volet.
C. trav. Bruxelles, 15 décembre 2021, R.G. 2018/AB/938 (Terra Laboris)
Indemnité compensatoire de préavis et rémunération en cours : la Cour reprend la notion de « rémunération en cours » au sens de l’article 39, § 1er, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail et examine le caractère rémunératoire ou non de certains avantages contractuels (avantages récurrents liés aux résultats, bonus à l’emploi, etc.).
Discrimination
rés. Trib. rav. Liège (réf.), 24 février 2022, R.F. 21/27/C (Terra Laboris)
Port de signes convictionnels : le Président interroge la Cour constitutionnelle ainsi que la Cour de Justice à propos du port de signes convictionnels dans une administration publique, étant notamment précisé à destination de la Cour de Justice que l’interdiction en cause touche une majorité de femmes et est dès lors susceptible de constituer une discrimination déguisée en fonction du genre.
C. trav. Liège – 20 décembre 2021 – R.G. n° 2019/AL/345 (C. Assaf et C. Capart - Elegis)
Interdiction de port de signes convictionnels dans le secteur privé : la Cour applique la nouvelle jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne et décide que l’interdiction au sein d’une entreprise privée du port de signes convictionnels ne doit pas forcément être limitée au personnel en contact avec le public ou au personnel de direction. Elle peut concerner l’ensemble du personnel pour autant qu’il puisse être démontré qu’elle est nécessaire pour préserver la paix sociale.
Rémunération
Cass., 14 mars 2022, n° S.21.0006.F (Terra Laboris)
Incitants sur vente : la Cour a rejeté un pourvoi contre un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 25 juin 2020, qui avait admis, confirmant en cela une jurisprudence constante, le caractère rémunératoire d’incitants sur ventes payés à des vendeurs liés par un contrat de travail avec une société concessionnaire de vente de véhicules automobiles.
Cass., 15 novembre 2021 S.20.0092.F (G. Jacquemart)
Heure de garde : la Cour – après avoir pris acte que, le temps de garde des pompiers volontaires de Nivelles, constituait dans la situation concrète examinée du temps de travail au sens de l’article 2 de la directive 2003/88/CE (CJUE, 21 février 2018), dit pour droit que ce temps peut être rémunéré distinctement de la rémunération normale du temps de travail applicable au sein du secteur ou de l’entreprise.
Cass., 13 décembre 2021, RG S.19.0014.F (G. Jacquemart)
Sursalaire et travail de nuit : la Cour dit pour droit qu’il faut entendre par travail de nuit donnant droit à sursalaire au sein de la CP 330, uniquement la situation des travailleurs occupés dans des régimes de travail comportant des prestations entre 20h00 et 6h00, à l’exclusion de ceux dont les prestations se situent soit exclusivement entre 6h00 et 24h00, soit habituellement à partir de 5h00.
C. trav. Bruxelles, 1er décembre 2021, R.G. 2018/AB/1.010 (Terra Laboris)
Droit au salaire garanti : la Cour reprend les obligations du travailleur en cas d’incapacité de travail ainsi que les hypothèses susceptibles de le priver de son droit au salaire garanti, rappelant le caractère impératif de l’article 31, § 3/1, de la loi du 3 juillet 1978.
Sanctions disciplinaire
Trib. trav. Liège (div. Arlon), 23 novembre 2021, R.G. 20/84/A (Terra Laboris)
Contrôle judiciaire : le Tribunal rappelle que le juge peut vérifier, dans le cadre de son contrôle marginal du bien-fondé d’une sanction disciplinaire, la proportionnalité de celle-ci par rapport à la faute reprochée.
2) Droit de la sécurité sociale
Cotisations sociales
C. trav. Liège (div. Namur), 1er février 2022, R.G. 2020/AN/144 (Terra Laboris)
Cotisation en l’absence de dimona : la Cour rappelle le mécanisme gouvernant la débition de la cotisation de solidarité, en cas d’absence de Dimona, rappelant que celle-ci peut être réduite dès lors que l’employeur apporte la preuve que le travailleur était dans une impossibilité matérielle d’effectuer les prestations à temps plein.
Accident du travail
C. trav. Liège (div. Liège), 27 janvier 2022, R.G. 2020/AL/412 (Terra Laboris)
Obligation de Fedris en cas d’aggravation des séquelles : la Cour précise les obligations de FEDRIS telles que visées à l’article 136, § 6, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 : l’Agence doit transmettre à l’organisme assureur A.M.I. toutes les décisions judiciaires rendues et non seulement le jugement définitif.
C. trav. Bruxelles, 7 février 2022, R.G. 2012/AB/655 (Terra Laboris)
Allocation d’aggravation : la Cour examine l’indemnisation à accorder suite à un accident de la vie privée causé partiellement par un précédent accident du travail, et ce après l’expiration du délai de révision.
Assurance soins de santé et indemnités
C. trav. Bruxelles, 11 mars 2022, R.G. 2019/AB/1 (Terra Laboris)
Interruption de carrière : la Cour rappelle d’une part qu’en cas d’interruption de carrière complète, le travailleur ne peut prétendre aux indemnités pour la période pendant laquelle il peut faire appel à une allocation d’interruption de carrière et, d’autre part, que la balance doit être faite entre les obligations de proactivité de l’organisme assureur AMI pour détecter l’existence d’autres ressources et celles de l’assuré social, tenu de faire des déclarations exactes sur les formulaires idoines.
Chômage
Trib. trav. fr. Bruxelles, 23 mars 2022, R.G. 21/3.037/A (Terra Laboris)
Chargé de famille et non-paiement de la pension alimentaire : le Tribunal rappelle les obligations de l’ONEm en cas de carence du chômeur débiteur de pensions alimentaires qui bénéficie du taux d’allocations « avec charge de famille ». Relevons un élément intéressant sur le plan de l’appréciation du juge, le jugement précisant expressément que le défaut de la totalité des pensions alimentaires n’implique pas nécessairement la conclusion selon laquelle le chômeur n’a pas utilisé la majoration des allocations pour payer ses créanciers, sauf dans l’hypothèse où le paiement partiel serait « réellement minime », traduisant la volonté de l’intéressé de ne pas utiliser la majoration à cette fin.
Prestations familiales
C. trav. Liège (div. Liège), 10 décembre 2021, R.G. 2021/AL/97 (Terra Laboris)
Hébergement égalitaire et rang : la Cour fait, à propos d’un débat relatif au rang des enfants en matière d’allocations familiales (avant la transformation du secteur) le rappel de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle en cas de lacune extrinsèque d’un texte. C’est dans une telle hypothèse au législateur et à lui seul qu’il appartient d’apprécier dans le respect des articles 10 et 11 de la Constitution de quelle manière et dans quelle mesure la charge effectivement assumée par les parents pour leurs enfants doit être prise en compte, dans le cas des familles recomposées, et ce compte tenu de l’objectif d’égalité entre enfants, la Cour rappelant qu’en empêchant que des parents séparés qui hébergent leurs enfants de manière égalitaire se voient reconnaître chacun la qualité d’allocataire, la disposition légale a pour conséquence qu’un seul de ces parents pourra bénéficier de la prise en compte des enfants nés de l’union précédente pour la détermination du rang des enfants nés d’une union ultérieure.