Fiscalité et comptabilitéavril 13, 2022

Redressement de droit privé ou de droit public et compétence des tribunaux

M.S. c. Canada, 2021 CAF 225
Sulaimon c. Procureur général du Québec, 2021 QCCA 1915
Association des intervenants en dépendance du Québec c. Villeneuve, 2021 QCCA 1763

Depuis l’arrêt Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc., 2010 CSC 63, [2010] 3 R.C.S. 585, il est bien établi qu’il n’est pas nécessaire d’obtenir l’annulation d’un acte ou d’une décision administrative préalablement au dépôt d’une action en dommages-intérêts invoquant un préjudice qui en découle. La jurisprudence ne semble pas avoir apporté de tempérament important à la règle. Conséquemment, les règles habituelles en matière de compétence des tribunaux en matière civile (Cour supérieure, Cour du Québec, Cour fédérale) s’appliquent.

Depuis le prononcé de l’arrêt, un certain nombre de demandeurs ont tenté de se servir de l’action en dommages-intérêts pour obtenir un redressement (dommages-intérêts, jugement déclaratoire) dont l’effet est équivalent aux redressements disponibles dans le cadre du processus administratif. Les motifs qui sous-tendent une telle façon de procéder sont nombreux : la compétence de la Cour supérieure concurrente à la compétence de la Cour fédérale lorsque l’État fédéral est défendeur à l’action; délai de prescription plus long (généralement trois ans plutôt qu’un délai raisonnable qui équivaut généralement à 30 jours en droit québécois ou un délai de 30 jours en droit fédéral), des règles de communication de la preuve plus généreuses, la preuve testimoniale à l’instruction de l’action, l’appel de plein droit au Québec lorsque la valeur de l’objet du litige est d’au moins 60 000 $ (il est presque toujours de plein droit en droit fédéral).

Il n’en demeure pas moins que le demandeur qui procède ainsi tente d’obtenir indirectement ce qu’il ne peut pas obtenir directement. Sous l’angle de la compétence matérielle, une règle d’ordre public qui doit être tranchée préliminairement à toute autre question, les tribunaux ont développé des balises justifiant le rejet des actions au fond ou sur moyen déclinatoire. C.p.c., art. 167 al. 1; Règles des Cours fédérales, règles 221(1)a) (absence de cause d’action) et c) (action scandaleuse, frivole ou vexatoire) et f) (abus de procédure). Tant l’action collective, qui n’est qu’un moyen procédural qui n’est pas attributif de compétence, que l’action individuelle sont visées.

Plutôt que de s’attarder aux termes choisis pour décrire le redressement demandé, les tribunaux insisteront sur l’effet concret du redressement. S’il relève du droit public plutôt que du droit privé, le tribunal décline compétence et rejette l’action. Récemment, la Cour d’appel fédérale et la Cour d’appel du Québec sont allées plus loin : si la cause d’action relève d’un autre tribunal, tous les redressements demandés qui y sont directement reliés en relèvent également, notamment si la cause d’action repose sur l’application ou l’interprétation d’un régime législatif qui relève de la compétence exclusive d’un autre tribunal.

M.S. c. Canada, 2021 CAF 225
Sulaimon c. Procureur général du Québec, 2021 QCCA 1915
Association des intervenants en dépendance du Québec c. Villeneuve, 2021 QCCA 1763

Me Ian Demers
Avocat, LL.B, LL.M.

Le juge Ian Demers a obtenu un baccalauréat en droit de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), en 1995, et une maîtrise en droit constitutionnel et criminel comparé de l’Université de Montréal, en 2000. Il a été admis au Barreau du Québec en 1998. Il a été nommé juge de la Cour supérieure du Québec pour le district de Montréal en 2023.

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