L’ARC se prononce : interprétations récentes
L’auteur discute d’une interprétation récente de l’ARC relative au transfert d’actions à une fiducie ainsi que du Folio S3-F1-C2, Avantage réputé au titre d’intérêts sur les prêts et dettes d’un actionnaire.
Transfert d’actions à une fiducie à l’intérieur du délai de 24 mois précédant la vente des actions
La question posée[1] à l’ARC consistait à savoir si le seul fait qu’une fiducie personnelle n’ait pas été constituée depuis 24 mois au moment où elle dispose des actions du capital-actions d’une société empêche ces actions de se qualifier à titre d’«actions admissibles de petite entreprise» (AAPE) au sens du paragraphe 110.6(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi ou LIR).
La situation hypothétique suivante a été soumise à l’ARC:
- un particulier (M. X) était l’unique actionnaire d’une société (Société) pour la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2022;
- le 1er janvier 2023, M. X a constitué une fiducie personnelle (Fiducie) dont il n’est ni bénéficiaire ni fiduciaire;
- les seuls bénéficiaires de Fiducie sont les deux enfants de M. X;
- toujours le 1er janvier 2023, M. X a disposé des actions qu’il détenait depuis le 1er janvier 2020 dans le capital-actions de Société en faveur de Fiducie pour une contrepartie égale à la juste valeur marchande;
- le 30 juin 2023, Fiducie a disposé des actions du capital-actions de Société à un tiers non lié.
L’ARC indique dans sa réponse qu’il est présumé que les actions du capital-actions de la société qui sont disposées par la Fiducie remplissent par ailleurs toutes les autres conditions requises pour se qualifier à titre d’AAPE et qu’aucune règle d’attribution, notamment le paragraphe 75(2) de la Loi, ne s’applique.
Sur la base de la situation hypothétique soumise, l’ARC indique que le seul fait que la Fiducie ne serait pas en existence pour la période de 24 mois précédant la disposition des actions de la Société n’empêcherait les actions de se qualifier comme AAPE.
Tel que l’indique l’ARC, «afin de savoir si l’exigence de la période de détention de 24 mois prévue à l’alinéa b) de la définition d’AAPE au paragraphe 110.6(1) LIR est remplie lorsqu’une fiducie personnelle constituée depuis moins de 24 mois dispose des actions du capital-actions d’une société, il faut déterminer si tout au long de la période de 24 mois qui précède le moment de la disposition, les actions ne sont la propriété de nul autre que la fiducie personnelle ou une personne ou société de personnes qui lui est liée».
Le sous-alinéa 110.6(14)c)(ii) de la Loi doit être considéré dans cette détermination. Cette disposition prévoit en effet que, pour l’application de la définition d’AAPE au paragraphe 110.6(1)c) de la Loi une fiducie personnelle est réputée, à la fois:
(i) être liée à une personne ou société de personnes pendant chaque période tout au long de laquelle cette personne ou société de personnes est bénéficiaire de la fiducie,
(ii) en ce qui concerne les actions du capital-actions d’une société, être liée à la personne auprès de laquelle elle a acquis ces actions si, au moment où la fiducie a disposé des actions, l’ensemble de ses bénéficiaires (sauf les organismes de bienfaisance enregistrés) étaient liés à cette personne ou l’auraient été si celle-ci avait été vivante à ce moment;
Dans la situation présentée, la Fiducie a acquis les actions de M. X et les a détenues pendant une période de six mois, soit du 1er janvier au 30 juin 2023. Afin de remplir l’exigence de la période de détention de 24 mois prévue à l’alinéa b) de la définition d’AAPE au paragraphe 110.6(1) de la Loi, la Fiducie et M. X doivent ainsi être liés en vertu du sous-alinéa 110.6(14)c)(ii). Cette condition serait remplie puisque M. X serait lié à tous les bénéficiaires de la Fiducie lesquels seraient les enfants de M. X.
Aux fins du sous-alinéa 110.6(14)c)(ii) LIR et tel qu’indiqué dans l’interprétation technique, l’ARC serait d’avis que le seul fait qu’une fiducie personnelle ait été constituée depuis moins de 24 mois au moment de la disposition des actions du capital-actions d’une société n’empêche pas ces actions de se qualifier à titre d’AAPE, dans la mesure où les actions remplissent par ailleurs toutes les conditions pour se qualifier à titre d’AAPE.
Il est important de souligner que les conditions du sous-alinéa 110.6(14)c)(ii) de la Loi ne seraient pas rencontrées dans le cas où M. X serait bénéficiaire de la Fiducie puisque M. X ne serait pas considéré comme étant lié à lui-même aux fins de l’alinéa 110.6(14)c) LIR. La période de 24 mois de détention ne serait alors pas acquise dans les faits présentés.
Les dispositions pertinentes de la Loi se lisent comme suit:
Art. 110.6(1) «action admissible de petite entreprise» S'agissant d'une action admissible de petite entreprise d'un particulier (à l'exception d'une fiducie qui n'est pas une fiducie personnelle) à un moment donné, action du capital-actions d'une société qui, à la fois: […]
b) tout au long de la période de 24 mois qui précède le moment donné, n'est la propriété de nul autre que le particulier ou une personne ou société de personnes qui lui est liée;
c) tout au long de la partie de la période de 24 mois qui précède le moment donné, où l'action est la propriété du particulier ou d'une personne ou société de personnes qui lui est liée, est une action du capital-actions d'une société privée sous contrôle canadien et dont plus de 50 % de la juste valeur marchande de l'actif est attribuable à des éléments visés aux sous-alinéas (i) ou (ii):
(i) des éléments utilisés principalement dans une entreprise que la société ou une société qui lui est liée exploite activement, principalement au Canada,
(ii) des actions du capital-actions ou des dettes d'une ou plusieurs autres sociétés rattachées à la société—au sens du paragraphe 186(4), selon l'hypothèse que chacune de ces autres sociétés est une société payante au sens du même paragraphe—dans le cas où, à la fois:
(A) tout au long de la partie de la période de 24 mois qui précède le moment donné se terminant au moment où la société a acquis ces actions ou ces dettes, nul autre que la société, qu'une personne ou société de personnes qui lui est liée ou qu'une personne ou société de personnes liée à une telle personne ou société de personnes n'en est propriétaire,
(B) tout au long de la partie de la période de 24 mois qui précède le moment donné, où ces actions ou ces dettes sont la propriété de la société, d'une personne ou société de personnes qui lui est liée ou d'une personne ou société de personnes liée à une telle personne ou société de personnes, il s'agit d'actions ou de dettes de sociétés privées sous contrôle canadien et dont plus de 50 % de la juste valeur marchande de l'actif est attribuable à des éléments visés au sous-alinéa (i) ou au présent sous-alinéa. […]
Art. 110.6(14) Précisions sur les actions admissibles de petite entreprise — Pour l'application de la définition de «action admissible de petite entreprise» au paragraphe (1): […]
c) une fiducie personnelle est réputée, à la fois: [...]
(ii) en ce qui concerne les actions du capital-actions d'une société, être liée à la personne auprès de laquelle elle a acquis ces actions si, au moment où la fiducie a disposé des actions, l'ensemble de ses bénéficiaires (sauf les organismes de bienfaisance enregistrés) étaient liés à cette personne ou l'auraient été si celle-ci avait été vivante à ce moment; […]
Avantage réputé au titre d’intérêts sur les prêts et dettes d’un actionnaire
L’ARC a émis ce nouveau Folio de l’impôt sur le revenu S3-F1-C2, le 10 avril 2025, lequel contient plusieurs éléments importants relatifs à l’application des paragraphes 15(2) et (2.6) et de l’article 80.4 LIR. Nous mentionnons ci-après quelques-uns des éléments importants:
- L’ARC se prononce notamment sur les facteurs qui doivent être considérés afin de déterminer si un prêt a été consenti en qualité d’employé ou d’actionnaires (voir par. 2.22 et 2.23 du Folio S3-F1-C2).
- L’ARC confirme que lorsqu’un prêt est assujetti aux dispositions de l’article 80.4 LIR, il le demeure pour toutes les années d’imposition qui suivent, tant et aussi longtemps qu’il n’est pas remboursé au complet. Même si les liens ou les conditions changent par rapport à ceux qui existaient au moment de la réception du prêt, le paragraphe 80.4(2) LIR continuera de s’appliquer. Par exemple, un prêt qui a été reçu en raison d’une participation dans l’actionnariat peut demeurer assujetti au paragraphe 80.4(2) LIR même si le bénéficiaire du prêt n’est plus un actionnaire (par. 2.32 du Folio S3-F1-C2).
- L’ARC commente une situation où un emprunteur n’a pas inclus le montant d’un prêt dans le calcul du revenu en vertu du paragraphe 15(2) LIR en raison de l’application prévue du paragraphe 15(2.6) LIR et que des intérêts réputés ont été inclus au revenu en conformité avec le paragraphe 80.4(2) LIR. Si le prêt n’a pas été remboursé dans le délai prévu au paragraphe 15(2.6) LIR, l’emprunteur doit, dans ce cas, amender sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition au cours de laquelle le prêt a été consenti afin d’inclure le montant du prêt dans le calcul de son revenu et renverser l’imposition de l’intérêt réputé calculé selon le paragraphe 80.4(2) LIR (par. 2.35 du Folio S3-F1-C2).
En complément d’information, les paragraphes 15(2), (2.6) et 80.4(2) LIR se lisent ainsi:
Art. 15(2) Dette d’un actionnaire — La personne ou la société de personnes — actionnaire d'une société donnée, personne ou société de personnes rattachée à un tel actionnaire ou associé d'une société de personnes, ou bénéficiaire d'une fiducie, qui est un tel actionnaire — qui, au cours d'une année d'imposition, obtient un prêt ou devient la débitrice (autrement qu'au moyen d'un prêt ou dette déterminé) de la société donnée, d'une autre société liée à celle-ci ou d'une société de personnes dont la société donnée ou une société liée à celle-ci est un associé est tenue d'inclure le montant du prêt ou de la dette dans le calcul de son revenu pour l'année. Le présent paragraphe ne s'applique pas aux sociétés résidant au Canada ni aux sociétés de personnes dont chacun des associés est une société résidant au Canada.
Art. 15(2.6) Inapplication du paragraphe 15(2) — remboursement — Le paragraphe (2) ne s'applique pas aux prêts ou aux dettes remboursés dans un délai d'un an suivant la fin de l'année d'imposition du prêteur ou du créancier au cours de laquelle ils ont été consentis ou contractés, s'il est établi, à la suite d'événements postérieurs ou autrement, que le remboursement n'a pas été fait dans le cadre d'une série de prêts, de remboursements ou d'autres opérations.
Art. 80.4(2) Présomption — Lorsqu'une personne (autre qu'une société résidant au Canada) ou une société de personnes (autre qu'une société de personnes dont chacun des associés est une société résidant au Canada) était:
a) soit un actionnaire d'une société;
b) soit rattachée à un actionnaire d'une société;
c) soit un associé d'une société de personnes, ou un bénéficiaire d'une fiducie, qui était actionnaire d'une société,
et que, à ce titre, la personne ou la société de personnes a reçu un prêt de la société, de toute autre société qui lui est liée ou d'une société de personnes dont la société ou toute autre société qui lui est liée est un associé, ou a par ailleurs contracté une dette en faveur de l'une d'elles, la personne ou la société de personnes est réputée avoir reçu, au cours d'une année d'imposition, un avantage égal à l'excédent éventuel du total visé à l'alinéa d) sur le montant visé à l'alinéa e):
d) le total des intérêts sur tous ces prêts et sur toutes ces dettes, calculés au taux prescrit sur chacun de ces prêts et chacune de ces dettes pour la période de l'année où le prêt ou la dette était impayé;
e) le total des sommes suivantes:
(i) le montant des intérêts pour l’année versés sur tous ces prêts ou toutes ces dettes (sauf les prêts qui sont réputés par le paragraphe 15(2.17) avoir été consentis) au plus tard 30 jours après la fin de l’année,
(ii) les montants d’intérêts déterminés, pour l’année, relativement à tous ces prêts qui sont réputés par le paragraphe 15(2.17) avoir été co
- ARC, Interprétation technique (TWF) 2016-0662951E5: Alinéa b) de la définition d’action admissible de petite entreprise — Articles 110.6(1)b), 110.6(14)c)(ii), 251(2)a), 251(6)a), 28 mars 2025.