L’agence du revenu du Canada (ARC) a récemment publié des interprétations techniques et décisions anticipées (Tax Window Files) concernant les planifications post-mortem de type «pipeline». Nous faisons un résumé de certaines décisions anticipées émises dans ce contexte.
Décision anticipée 2020-0848081R3
Dans le cadre de cette décision anticipée, deux fiducies discrétionnaires, dont les bénéficiaires sont le père et son fils (résidents canadiens), détiennent les actions de deux sociétés de portefeuille détenant des placements. Conformément à la volonté du constituant, les fiduciaires des fiducies déterminent que les fiducies conservent la totalité du revenu accumulé ainsi que le capital des fiducies malgré le passage du 21e anniversaire des fiducies. Ce faisant, les fiducies réalisent un gain en capital à ce moment en vertu du sous-alinéa 104(4)b)(ii) de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (LIR).
L’alinéa 104(4)b) LIR se lit ainsi:
104(4) Présomption de disposition par une fiducie — […]
b) le jour qui tombe 21 ans après le dernier en date des jours suivants:
(i) le 1er janvier 1972,
(ii) le jour où la fiducie a été établie,
(iii) le cas échéant, le jour déterminé selon les alinéas a), a.1) ou a.4), dans leurs versions applicables après 1971;
Par la suite, les fiducies mettent en place une opération de type «pipeline» selon laquelle les actions des deux sociétés détenues par les fiducies sont transférées à une société nouvellement créée constituée sous le régime des sociétés à responsabilité illimitée de la Nouvelle-Écosse (ULC Nouco). En contrepartie du transfert des actions, ULC Nouco émet des billets aux fiducies lesquels sont par la suite convertis en actions de ULC Nouco avec plein capital versé.
Au-delà d’un délai d’un an suivant le transfert des actions des sociétés en faveur de ULC Nouco par les fiducies, ULC Nouco pourra être fusionnée avec ces sociétés également constituées sous le régime des sociétés à responsabilité illimitée de la Nouvelle-Écosse à la suite de la continuation de celles-ci sous ce régime corporatif.
ULC Nouco ne procédera à aucune distribution de fonds autrement qu’en faveur des fiducies afin de leur permettre de payer l’impôt généré par l’application du sous-alinéa 104(4)b)(ii) LIR, cette distribution de fonds se faisant lors de la réduction de capital-versé des actions de ULC Nouco détenues par les fiducies.
L’ARC confirme que les paragraphes 84.1, 84(2) et 245(2) LIR ne sont pas applicables dans cette situation.
Décision anticipée 2019-0800431R3
Peu avant le décès, le défunt a transféré les actions détenues dans deux sociétés de portefeuille (Aco et Bco) en faveur d’une fiducie alter ego (Fiducie AE) en franchise d’impôt en vertu des paragraphes 73(1) et (1.01) LIR. L’enfant du défunt ainsi que son épouse et ses enfants sont bénéficiaires discrétionnaires de la Fiducie AE.
Les paragraphes 73(1) et (1.01) LIR se lisent comme suit:
73(1) Transfert de biens entre vifs par un particulier — Pour l'application de la présente partie, lorsque l'immobilisation d'un particulier (sauf une fiducie) a été transférée dans les circonstances visées au paragraphe (1.01) et que le particulier et le cessionnaire résident au Canada au moment du transfert, à moins que le particulier ne choisisse, dans sa déclaration de revenu produite en vertu de la présente partie pour l'année d'imposition du transfert, de soustraire l'immobilisation à l'application du présent paragraphe, celle-ci est réputée:
a) d'une part, avoir fait l'objet d'une disposition par le particulier au moment du transfert, pour un produit égal au montant suivant:
(i) si l'immobilisation est un bien amortissable d'une catégorie prescrite, le produit de la multiplication de la fraction non amortie du coût en capital pour le particulier, immédiatement avant ce moment, des biens de cette catégorie par le rapport entre la juste valeur marchande, immédiatement avant ce moment, de l'immobilisation et la juste valeur marchande, immédiatement avant ce moment, de l'ensemble des biens de cette catégorie,
(ii) dans les autres cas, le prix de base rajusté, pour le particulier, de l'immobilisation immédiatement avant ce moment;
b) d'autre part, avoir été acquise par le cessionnaire à ce moment, pour un montant égal à ce produit.
73(1.1) Interprétation — Il est entendu qu'un bien est réputé, pour l'application des paragraphes (1) et (1.01), être un bien du particulier mentionné au paragraphe (1) qui a été transféré à un cessionnaire si les conditions suivantes sont réunies:
a) en vertu des lois d'une province ou par l'effet d'une ordonnance ou d'un jugement rendu par un tribunal compétent en conformité avec ces lois, le bien, selon le cas:
(i) est acquis ou réputé avoir été acquis par le cessionnaire,
(ii) est réputé ou déclaré être la propriété du cessionnaire, ou lui a été accordé,
(iii) est dévolu au cessionnaire;
b) le bien est une immobilisation du particulier mentionné au paragraphe (1), ou l'aurait été en l'absence des lois en question.
Lors du décès, la Fiducie AE réalise un gain en capital lors de la disposition réputée des actions des sociétés de placement en vertu de l’alinéa 104(4)a) LIR.
Dans le cadre d’une transaction préliminaire, l’acte de Fiducie AE est modifié afin de retirer un des petits-enfants non-résident du Canada comme bénéficiaire de la Fiducie AE. Le but de cette modification est d’éviter l’application potentielle de l’article 212.1 LIR lors de la mise en place subséquente de l’opération de pipeline par la Fiducie AE (voir le document de l’ARC 2019-0824561C6).
La Fiducie AE procède par la suite aux transferts des actions de Aco et Bco en faveur de Nouco, une société nouvellement constituée en contrepartie de l’émission par Nouco de billets en faveur de la Fiducie AE et d’actions privilégiées d’une valeur nominale. À l’expiration d’un délai d’un an, Nouco, Aco et Bco fusionnent et les billets émis à la Fiducie AE sont remboursés progressivement.
L’ARC confirme également que l’article 84.1 et les paragraphes 84(2) et 245(2) LIR ne sont pas applicables dans cette situation. De plus, l’ARC confirme l’application des alinéas 88(1)d.2) et d.3) LIR lors de la fusion de Nouco, Aco et Bco de sorte que le prix de base rajusté de placements détenus par Aco et Bco pourra être majoré.
Décision anticipée 2020-0874931R3
Dans le contexte de cette décision anticipée, le défunt et son épouse détenaient des actions de deux sociétés (Gesco et Invesco). Les actions du défunt détenues dans Gesco n’avaient pas augmenté en valeur au moment du décès. Par suite de diverses opérations, Gesco est devenue une filiale en propriété exclusive de Invesco en raison du transfert, sur une base pleinement imposable, des actions de Gesco en faveur de Invesco. Par la suite, les actions de Invesco que les enfants du défunt détenaient déjà au moment du décès ont été transférées en franchise d’impôt (art. 85 LIR) en faveur d’une nouvelle société (Nouco) laquelle a été constituée par la succession. La succession procède par la suite au transfert des actions d’Invesco en faveur de Nouco en contrepartie de l’émission par Nouco d’un billet et d’actions à la succession. Nouco et invesco seront par la suite fusionnées après l’expiration d’un délai d’un an et le billet Nouco sera progressivement remboursé à la succession.
L’ARC confirme que les paragraphes 84.1, 84(2) et 245(2) LIR ne sont pas applicables dans cette situation.