Réorganisation papillon: Interprétation technique récente de l’ARC
Dans la situation présentée à l’ARC,[1] une société agricole (Cédante), détenues par deux frères (Frère 1 et Frère 2), a procédé à un partage de ses actifs en vertu de l’alinéa 55(3)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (LIR). Plus spécifiquement, le transfert des actifs respectait les conditions prévues à la définition «attribution» au paragraphe 55(1) LIR. Les actifs de Cédante ont été transférés à une société nouvellement créée par Frère 1 actionnaire (Nouco) en vertu de l’article 85 LIR. En contrepartie du transfert des actifs, Nouco émet des actions privilégiées rachetables au gré du détenteur à Cédante.
Immédiatement après l’attribution, une partie des actions de Nouco font l’objet d’une donation par Frère 1 à l’enfant de Frère 1, également impliqué dans l’entreprise agricole de Cédante. La donation est visée par les dispositions de roulement prévues au paragraphe 73(4.1) LIR.
Le paragraphe 73(4.1) LIR se lit comme suit:
73(4.1) Transfert entre vifs de sociétés et sociétés de personnes agricoles ou de pêche familiales — Si, par l'effet du paragraphe (4), le présent paragraphe s'applique au contribuable et à son enfant relativement au transfert d'un bien effectué par le contribuable à l'enfant, les règles suivantes s'appliquent:
a) sous réserve de l’alinéa c), si le bien était, immédiatement avant le transfert, une action du capital-actions d’une société agricole ou de pêche familiale du contribuable ou une participation dans une société de personnes agricole ou de pêche familiale du contribuable, celui-ci est réputé en avoir disposé au moment du transfert pour un produit de disposition égal à celle des sommes ci-après qui est applicable:
(i) si les sous-alinéas (ii) et (iii) ne s'appliquent pas, le produit de disposition du bien pour le contribuable, déterminé par ailleurs,
(ii) la plus élevée des sommes visées aux divisions (A) et (B), si le produit de disposition du bien pour le contribuable, déterminé par ailleurs, excède la plus élevée des sommes suivantes:
(A) la juste valeur marchande du bien immédiatement avant le moment du transfert,
(B) le prix de base rajusté du bien pour le contribuable immédiatement avant le moment du transfert,
(iii) si le produit de disposition du bien pour le contribuable, déterminé par ailleurs, est inférieur à la moins élevée des sommes visées aux divisions (ii)(A) et (B), la moins élevée de ces sommes;
b) sous réserve de l’alinéa c), si le bien était, immédiatement avant le transfert, une action du capital-actions d’une société agricole ou de pêche familiale du contribuable ou une participation dans une société de personnes agricole ou de pêche familiale du contribuable, l’enfant est réputé l’avoir acquis pour une somme égale au produit de disposition que le contribuable est réputé avoir reçu au titre de la disposition du bien, déterminé selon l’alinéa a);
c) si le bien était, immédiatement avant le transfert, une participation dans une société de personnes agricole ou de pêche familiale du contribuable (sauf une participation à laquelle le paragraphe 100(3) s’applique), que le contribuable ne reçoit aucune contrepartie relativement au transfert du bien et qu’il fait un choix, dans sa déclaration de revenu produite en vertu de la présente partie pour l’année d’imposition qui comprend le moment du transfert, afin que le présent alinéa s’applique relativement au transfert du bien:
(i) le contribuable est réputé, sauf pour l'application de l'alinéa 98(5)g), ne pas avoir disposé du bien au moment du transfert,
(ii) l'enfant est réputé avoir acquis le bien au moment du transfert à un coût égal au coût de la participation pour le contribuable immédiatement avant le moment du transfert,
(iii) chaque somme à ajouter ou à déduire, en application des paragraphes 53(1) ou (2), dans le calcul du prix de base rajusté du bien pour le contribuable, immédiatement avant le transfert, est réputée être une somme à ajouter ou à déduire, en application de ces paragraphes, dans le calcul, au moment du transfert ou à tout moment postérieur, du prix de base rajusté du bien pour l'enfant;
d) le paragraphe 69(1) ne s'applique pas au contribuable ni à l'enfant relativement au bien.
Par la suite, Frère 2 procède à un échange partiel des actions ordinaires de Cédante en vertu de l’article 51 LIR. En contrepartie, Cédante émet des actions privilégiées à Frère 2. Ensuite, Frère 2 fait don des actions ordinaires restantes de Cédante à son fils, également actif dans l’entreprise agricole. La donation est visée par les dispositions de roulement prévues au paragraphe 73(4.1) LIR.
Immédiatement après l’émission des actions privilégiées de Nouco à Cédante lors de l’attribution, une entente est mise en place afin de spécifier que le montant du rachat des actions privilégiées n’excédera pas la juste valeur marchande de la contrepartie reçue pour l’émission des actons afin de s’assurer que l’exemption de l’impôt de la Partie VI.1 LIR sera applicable au dividende réputé résultant du rachat des actions. Ce choix semble nécessaire en raison de l’intégration de cousins, qui sont des personnes non liées aux fins de la LIR, dans le capital-actions de Cédante et Nouco.
Par suite de l’attribution, Cédante sera partie à une convention de vente d’actifs ou d’achat d’actions d’une société et procédera à une fusion. Ces opérations se feront entre personnes liées de sorte que les règles du paragraphe 55(3.1) LIR ne seront pas applicables.
À noter que les actifs distribués par Cédante sont notamment composés d’une police d’assurance transférée à Nouco sur une base pleinement imposable en vertu du paragraphe 148(7) LIR.
Il est intéressant de noter que si Cédante se qualifie comme «société agricole ou de pêche familiale» au sens du paragraphe 110.6(1) LIR, le nouvel alinéa 55(5)e) LIR s’applique pour faire en sorte que Frère 1 et 2 seront considérés comme étant des personnes liées aux fins de l’article 55 LIR faisant en sorte que le recours à une réorganisation papillon n’est pas nécessaire pour effectuer la réorganisation. L’alinéa 55(3)a) LIR est alors applicable afin d’exempter les dividendes réputés survenant dans le contexte de la réorganisation de l’application du paragraphe 55(2) LIR. Il s’agit d’une modification législative qui est bienvenue puisque cela fait en sorte qu’il n’est pas nécessaire de rencontrer les conditions contraignantes prévues à la définition d’«attribution» prévue au paragraphe 55(1) LIR applicable pour les fins de l’exemption de l’alinéa 55(3)b) LIR.
La définition d’«attribution» au paragraphe 55(1) LIR est libellée ainsi:
«attribution» — Transfert direct ou indirect de biens d'une société (appelée «société cédante» au présent article) en faveur d'une ou plusieurs sociétés (chacune étant appelée «société cessionnaire» au présent article) dans le cas où, pour ce qui est de chaque type de bien appartenant à la société cédante immédiatement avant le transfert, chaque société cessionnaire reçoit des biens de ce type dont la juste valeur marchande correspond exactement ou approximativement au résultat du calcul suivant:
A x B/C
où:
A représente la juste valeur marchande, immédiatement avant le transfert, de l'ensemble des biens de ce type qui appartenaient alors à la société cédante;
B la juste valeur marchande, immédiatement avant le transfert, des actions du capital-actions de la société cédante qui appartenaient alors à la société cessionnaire;
C la juste valeur marchande, immédiatement avant le transfert, des actions émises du capital-actions de la société cédante.
Concernant le nouvel alinéa 55(5)e) LIR, Finances Canada a annoncé dans un communiqué (30 juin 2021), qu’un projet de loi sera présenté afin de préciser la date d’entrée en vigueur de ce nouvel alinéa e) qui serait le 1er janvier 2022. Il faut également noter que lors du budget fédéral 2023-2024, il a été annoncé que ces modifications seraient applicables à compter du 1er janvier 2024. Il faudra surveiller les prochains développements législatifs pour confirmer cette date et si des règles transitoires seront émises pour la période du 29 juin 2021 (date de sanction du projet de loi C-208) au 31 décembre 2023. La réorganisation présentée dans la décision anticipée faisant l’objet du présent article a donc été mise en place avant les modifications à 55(5)e) LIR.
Ce nouvel alinéa se lit comme suit:
e) pour déterminer si des personnes sont liées entre elles, si une personne est un actionnaire déterminé d'une société et si le contrôle d'une société a été acquis par une personne ou un groupe de personnes, les règles suivantes s'appliquent:
(i) des personnes sont réputées n’avoir entre elles aucun lien de dépendance et ne pas être liées entre elles si l’une est le frère ou la sœur de l’autre, sauf dans le cas où le dividende est reçu ou versé, dans le cadre d’une opération, d’un évènement ou d’une série d’opérations où d’évènements, par une société dont une action du capital-actions est une action admissible de petite entreprise ou une action du capital-actions d’une société agricole ou de pêche familiale au sens du paragraphe 110.6(1),
(ii) dans le cas où une personne est liée, à un moment donné, à chaque bénéficiaire, autre qu'un organisme de bienfaisance enregistré, d'une fiducie qui a ou peut avoir droit, pour une raison autre que le décès d'un autre bénéficiaire de la fiducie, à une part du revenu ou du capital de la fiducie, la personne et la fiducie sont réputées être liées entre elles à ce moment; à cette fin, une personne est réputée être liée à elle-même,
(iii) une fiducie et une personne ne sont réputées être liées entre elles que si elles sont réputées, par l'alinéa (3.2)d) ou le sous-alinéa (ii), être ainsi liées ou si la personne est une société contrôlée par la fiducie,
(iv) il n'est pas tenu compte du paragraphe 251(3) ni de l'alinéa 251(5)b);
- ARC, interprétation technique (TWF) 2021-0904311R3, Butterfly Reorganization, 8 février 2023.