La pierre et la brique ont la cote. L’immobilier est un secteur qui présente des placements intéressants. Les tendances du marché immobilier résidentiel sont à la hausse, même en période de pandémie. Le marché n’est pas nécessairement aussi favorable au marché immobilier commercial. L’immobilier multi-résidentiel reste intéressant, même dans un marché où les loyers résidentiels sont assujettis au contrôle des augmentations par le Code civil du Québec. Mais avez-vous pensé à regarder un peu du côté des solutions qu’offrent la fiscalité immobilière?
Les propriétaires fonciers qui ont misé sur «l’augmentation du nombre de portes» en location ont eu l’occasion ces deux dernières décennies d’accumuler une équité intéressante et d’ainsi accumuler une plus-value. Cette plus-value est toutefois sujette, un jour ou l’autre, à l’imposition des gains en capital et à la récupération de l’amortissement. C’est maintenant que la planification fiscale immobilière doit entrer en jeu afin de réduire le gain en capital au décès. Par le fait même, la planification fiscale permet d’intégrer les membres de la famille immédiate à titre de bénéficiaires de la valeur future du parc immobilier.
Imposition du gain en capital
Au Canada, les gains en capital ne sont actuellement imposables qu’à 50 %. De plus, la résidence principale est le placement bénéficiant du meilleur traitement fiscal possible: l’exonération du gain en capital (imposition à zéro pourcent). Ce gain en capital exonéré n’entre même pas dans les variables de l’impôt minimum. Pour preuve, si le gain en capital sur ces résidences était imposable, le gouvernement fédéral récolterait bon an mal an presque six milliards de dollars de recettes fiscales additionnelles par année relativement à des transactions et des décès à travers le Canada, sans compter l’impôt provincial.
Fluctuations du taux d’inclusion du gain en capital
Or, les règles d’imposition n’ont pas toujours prévu l’inclusion du gain en capital à 50 % dans le revenu imposable. De 1917 à 1971, le gain en capital n’était même pas imposable. À compter de 1971 jusqu’en 1988, tout gain en capital devait être inclus à hauteur de 50 % dans le revenu imposable. Or en 1987, les déficits budgétaires ont incité les gouvernements à hausser le taux d’inclusion à 66,66 % du gain en capital réalisé pour 1988 et 1989. Une fois le coup assumé, dès 1990, le taux a été haussé 75 %. Ce niveau d’inclusion a duré plus de dix ans, jusqu’à ce que la lutte aux déficits budgétaires permette le retour à un taux d’inclusion à 50 %, en deux phases au cours de l’année 2000.
Or, l’année 2020 marque le retour du gouvernement du Québec vers les déficits budgétaires. Le gouvernement du Canada y est entré volontairement en 2016 dans le but de stimuler l’économie, mais les programmes d’aide instaurés dans le cadre de la pandémie mondiale ont fait exploser les déficits fédéraux envisagés.
Avec l’austérité, les hausses d’impôt pour combler le déficit?
Que feront les ministres des Finances pour résorber les déficits? Entre l’austérité et l’augmentation des impôts, ils auront certainement la tentation d’augmenter le taux d’inclusion des gains en capital. Si cela se fait, il y aura une balance qui risque d’affecter les prélèvements d’impôt sur les gains en capital d’une manière assez générationnelle.
Les babyboumeurs qui ont maintenant entre 60 et 75 ans et ceux qui restent de la génération qui précède (qui ont plus de 75 ans) sont davantage susceptibles de vendre leurs biens pour en utiliser le produit dans leur coût de vie ou à risque de décéder dans les dix prochaines années. Si le taux d’inclusion des gains en capital augmente, ils contribueront davantage à l’impôt. Ces générations risquent donc de devoir payer l’impôt sur leurs gains en capital accumulés à un taux d’inclusion plus élevé que 50 %. Cet impôt sera payable sur leurs gains en capital réalisés lors de la vente de leurs biens ou latents par leur disposition réputée en conséquence de leur décès.
Cela ne veut pas dire que les membres de la génération X ne passeront pas à la caisse, mais probablement dans une moindre mesure si le taux d’inclusion revient éventuellement à 50 % après une telle hausse.
Des solutions à l’impôt au décès
Outre les planifications pour bénéficier du transfert sans incidence fiscale entre conjoints et celles pour fractionner la réalisation du gain en capital sur plusieurs années d’imposition, il y a des solutions disons «plus familiales» pour retarder l’imposition de la plus-value immobilière.
Une fiducie familiale pour collectiviser l’immobilier?
En matière de fiscalité immobilière, il existe plusieurs outils et solutions. Ces solutions permettent de collectiviser le gain plutôt que de l’accumuler au bénéfice d’une seule personne de la famille. Qui plus est, une telle structure peut motiver des membres de la famille à être partie prenante et à devenir actifs dans la gestion des actifs immobiliers.
Est-ce qu’on parle d’une structure plus complexe que la détention personnelle? Oui, mais il faut considérer le bénéfice escompté. Tandis qu’une fiducie ne se justifie probablement pas pour la détention d’un actif immobilier peu important, cela est le cas lorsqu’on parle d’une équité sur des immeubles de plusieurs millions de dollars.
Détention par une fiducie avec ou sans société par actions
Une fiducie familiale présente plusieurs avantages en termes de flexibilité, de capacité à détenir des biens pour ses bénéficiaires, mais elle doit dans beaucoup de situations être complétée par d’autres entités pour détenir des immeubles. Le transfert à une société par actions peut donc être nécessaire. Dans d’autres situations, une société de personnes peut être le mode de détention à privilégier.
Planifier, c’est optimiser
Dans toutes les situations, une analyse préalable doit être faite afin de voir si la mise en place d’une fiducie est avantageuse. Il faut également analyser la manière de transférer la plus-value future des immeubles tout en laissant la plus-value accumulée (ou le «vieux-gagné») à la personne au cœur de la fiducie. Il existe plusieurs techniques et outils pour le faire de la manière la plus optimale possible. Le financement de l’immobilier multi-résidentiel peut également être un défi, mais il reste possible de le ficeler sans compromettre la structure aux fins fiscales.
Planifications faciles pour retarder ou limiter l’impôt
Il faut dire que pour retarder l’imposition d’un gain, il est possible de léguer le bien à un conjoint et ainsi reporter l’impôt au décès. Encore faut-il que le conjoint vive plus longtemps et qu’il soit le parent de tous les enfants du propriétaire foncier. Il y a lieu de se questionner dans les autres situations si l’avantage fiscal vaut le risque que les enfants se voient déshérités dans les faits.
Il y a également des techniques pour fractionner l’imposition du gain en capital afin de le répartir sur plusieurs années d’imposition, tels que les exemples exposés ci-après vont l’illustrer.
Surimposer la classe moyenne avec l’impôt à la disposition?
Les règles actuelles font en sorte que l’imposition du gain en capital en fonction du niveau de revenu pour l’année de sa réalisation peut être pénalisante.
Prenons l’exemple d’une personne, Monsieur Bonproprio qui a eu un revenu imposable d’environ 50 000 $ par année avec ses rentes et ses autres revenus (ne tenons pas compte des loyers nets afin d’alléger les calculs) au cours des dernières années. Il est veuf et il n’a plus de conjointe. Son seul actif immobilier présente un gain en capital latent d’un million de dollars. Il décède le 31 décembre 2021 des suites d’une infection à la COVID-19, sans disposer de son immeuble.
Pour l’année de son décès, 2021, sa succession doit normalement payer un impôt de 9 964 $ sur ses revenus normaux. Étant donné qu’il est réputé disposer de son bien immobilier en entier en 2021 (bien que ce gain ait été accumulé sur une très longue période), il se retrouve avec un revenu imposable de 550 000 $ pour l’année 2021 et doit payer un impôt additionnel de 253 549 $ en raison de ce gain ce qui représente un taux d’imposition de 50,71 % pour son gain en capital imposable ou si vous préférez de 25,35 % de son gain sur son bien immobilier.
Si le bien immobilier en question est, par exemple, un immeuble de quatre logements locatifs, le fractionnement du gain sur plusieurs années peut se faire à première vue de trois façons. Si au lieu de décéder en 2021, Monsieur Bonproprio obtient des soins adéquats pour son infection à la COVID-19, voici les possibilités qui s’offrent à lui.
Exemple 1 — Vente de son immeuble avec financement par lui-même sur cinq ans
Premièrement, en finançant en entier la vente de l’immeuble à son acheteur sur cinq années et en utilisant la provision pour gain en capital. Ainsi, avec un premier versement en 2020, un deuxième en 2021, un troisième en 2022, et ainsi de suite, on obtient l’imposition de 100 000 $ par année sur cinq ans et un impôt additionnel à payer de 42 600 $ par année (selon les seuils de 2021) et un impôt total pour l’immeuble de 213 000 $ (253 549 $ - 213 000 $ = 40 549 $), pour une économie d’environ 40 500 $.
Il demeure risqué de financer soi-même la vente d’un immeuble. Ce genre de transaction survient soit avec les héritiers potentiels ou avec une personne très solvable qui présente des garanties impeccables.
Exemple 2 — Subdivision du quadruplex en unités et vente d’une unité par année
Deuxièmement, il est possible d’améliorer la situation de notre exemple en «subdivisant» le quadruplex en quatre logements en propriété divise ou indivise ayant une valeur moyenne de 125 000 $. Il suffit ensuite de trouver de nouveaux propriétaires pour ces unités sur quatre années d’imposition différentes. L’imposition annuelle pour le gain en capital à raison de 125 000 $ par année sur quatre ans serait de 55 536 $ pour un impôt total de 222 144 $ (253 549 $ - 222 144 $ = 31 405 $) et une économie d’environ 31 500 $.
Dans cette situation, il est possible que la valeur totale des quatre unités soit plus élevée que celle du quadruplex, ce qui serait avantageux. Mais face à cet avantage, il y a toutefois eu des situations où les autorités fiscales ont tenté de bénéficier d’une partie de l’impôt comme revenu d’entreprise, mais règle générale, cette position est peu défendable pour les autorités devant les tribunaux.
Exemple 3 — Vente de fractions indivises à un ou plusieurs acheteurs sur deux années
Troisièmement, il est encore possible d’améliorer la situation initiale en vendant l’immeuble au même acheteur ou à plusieurs acheteurs sur deux années d’imposition. Par exemple, un couple désire acquérir le quadruplex. Il est alors possible de faire en sorte que Madame en acquière la moitié indivise le 31 décembre 2021 et que Monsieur en acquière l’autre moitié indivise le 1er janvier 2022 (ou vice versa pour Madame et Monsieur). Dans cette situation, l’impôt sur le gain en capital à payer est de 120 286 $ (selon les seuils de 2021) pour un impôt total de 240 572 $ (253 549 $ - 240 572 $ = 12 977 $) attribuable au gain en capital et donc une économie totale d’environ 13 000 $ par rapport au scénario sans planification.
Analyse des résultats pour les trois exemples
Ces planifications fiscales ont un effet relativement limité en termes monétaires (nos exemples les chiffrent entre 13 000 $ et 40 500 $). Le premier exemple, vient avec un étalement sur cinq ans et une économie d’impôt d’à peine plus de 40 000 $ sur le gain en capital. Le deuxième exemple peut sembler plus intéressant vu la plus-value possible sur les unités dont la vente est retardée, mais là encore, les économies d’impôts sont relativement limitées et les frais à encourir sont différents. Le troisième exemple complique la vie des acheteurs pour une économie de seulement 13 000 $, ce qui fera en sorte qu’il en découragera certains d’utiliser cette planification.
Le seuil d’imposition le plus élevé au Québec est à 216 511 $. Cela semble offrir un beau potentiel de fractionnement, puisqu’à partir de ce niveau, le taux d’imposition est de 53,305 % (le taux marginal maximal). Toutefois, à partir d’un seuil de 109 755 $, le taux d’imposition est déjà rendu à 47,460 %. À ce niveau, la progressivité des taux est limitée. Ceci fait en sorte que la cagnotte résultant de ces planifications fiscales est plutôt limitée. La valeur d’une opération de fractionnement en présence d’un revenu de base, autre que le gain en capital, perd de son impact.
L’écart entre un revenu taxé au taux marginal maximal et un revenu taxé aux taux progressif (à partir d’un revenu de zéro) est en fait d’environ 27 000 $ lorsque le montant personnel de base est tenu en compte.
Conclusion
Qu’il soit possible de retarder l’imposition d’un gain en capital immobilier, de le fractionner sur plusieurs périodes d’imposition ou tout simplement de s’assurer d’en optimiser les incidences fiscales, un peu de planification n’est pas à dédaigner. De plus, les meilleures planifications fiscales peuvent non seulement permettre de reporter ou même de diminuer substantiellement l’impôt, mais en plus, elles permettent de fixer et d’atteindre des objectifs de maximisation et de répartition équitable de la richesse familiale. Ainsi, alors qu’il est potentiellement intéressant de fractionner le gain en capital sur plusieurs années, il reste encore plus intéressant de reporter le gain en capital sur la génération suivante. Ainsi, le propriétaire d’un parc immobilier qui met en place une fiducie peut s’assurer d’avoir le contrôle sur le capital jusqu’à ce qu’il soit prêt à le céder et de reporter l’imposition au-delà de la date de son décès.
Tous les objectifs qui peuvent être ainsi fixés et atteints méritent que l’on s’y attarde, et même qu’on y investisse un minimum de réflexion et de ressources afin de les réaliser.