Fiscalité et comptabilitémars 08, 2022

Déduction additionnelle à l’égard de certains frais canadiens d’exploration dans le contexte d’un financement accréditif de type «back-to-back»

Il est fréquent que, dans le contexte de l’émission d’actions accréditives, une société d’exploration minière (Société A), émettrice des actions accréditives, ne détienne pas les droits d’exploration miniers («claims») directement mais que ces droits soient détenus par une filiale en propriété exclusive (Société B) de la Société A. La Société A n’a typiquement aucune activité autre que de détenir des actions de la Société B. Dans ce contexte, la Société A procédera à l’émission publique d’actions accréditives en faveur des souscripteurs qui sont des particuliers. Le produit de souscription sera par la suite utilisé par la Société A pour souscrire à des actions de la Société B en vertu d’une convention de souscription en vertu de laquelle la Société B renoncera aux «frais canadiens d’exploration» (FCE) encourus par la Société B à l’égard des propriété minières en faveur de la Société A en vertu de l’article 359.2 de la Loi sur les impôts (Québec) (LI). La Société A pourra elle-même procéder à une telle renonciation en faveur des souscripteurs d’actions accréditives de la Société A. Ce type d’arrangement est couramment appelé «back-to-back» financing.

Il est important de mentionner que ni la Société A ni la Société B ne doivent exploiter une ressource minérale ni aucun puits de pétrole ou de gaz ou être membre d’un groupe associé, au sens de l’article 726.4.17.18.1 LI dont l’un des membres exerce une activité qui consiste en ce type d’exploitation

Lorsque les FCE sont encourus à l’égard de droits miniers relatifs à une propriété minière située au Québec, le souscripteur d’actions accréditives qui réside au Québec et qui est un particulier a droit à une déduction additionnelle de 20 % en vertu de des articles 726.4.9 et 726.4.17.2.4 LI.

Afin qu’un souscripteur puisse bénéficier de ces déductions additionnelles en vertu de la LI, la société émettrice des actions accréditives doit être une «société admissible» au sens de l’article 726.4.15 de la LI, lequel se lit comme suit:

Ces articles se lisent comme suit:

Art. 726.4.9. Déduction — Un particulier peut déduire, dans le calcul de son revenu imposable pour une année d'imposition, un montant qui n'excède pas son compte relatif à certains frais d'exploration québécois à la fin de l'année, calculé avant toute déduction pour l'année en vertu du présent article.

Art. 726.4.15. Société admissible — Dans le présent titre, une société admissible est une société dont l'ensemble des activités consiste principalement à faire de l'exploration minière, pétrolière ou gazière ou de la mise en valeur d'une ressource minérale ou d'un puits de pétrole ou de gaz et qui, au moment où les frais à l'égard desquels il est renoncé à un montant en vertu de l'un des articles 359.2 ou 359.2.1 ou au moment où les frais visés au paragraphe e de l'article 395, selon le cas, sont engagés et pendant toute la période de 12 mois qui précède ce moment, remplit les conditions suivantes:

a) elle n'exploite aucune ressource minérale et aucun puits de pétrole ou de gaz;

b) elle n'est pas membre d'un groupe associé, au sens de l'article 726.4.17.18.1, dont l'un des membres exploite une ressource minérale ou un puits de pétrole ou de gaz. (nos soulignements)

Art. 726.4.17.2.4. Dépenses engagées après le 4 juin 2014 — Malgré les articles 726.4.17.2.1 à 726.4.17.2.3, lorsqu'une dépense visée au paragraphe a de l'article 726.4.17.2 a été engagée après le 4 juin 2014, le pourcentage de 33 1/3 % mentionné à cet article doit être remplacé, à l'égard de cette dépense, par un pourcentage de 10 %.

Le premier alinéa ne s'applique pas à l'égard d'une dépense qui est engagée par suite:

a) soit d'un placement effectué au plus tard le 4 juin 2014, relativement à une action accréditive émise après cette date;

b) soit d'une demande de visa du prospectus provisoire ou d'une demande de dispense de prospectus, selon le cas, effectuée au plus tard le 4 juin 2014, relativement à une action accréditive émise après cette date.

Ainsi, à la lecture de la définition de «société admissible», il n’apparaît pas clairement que la Société A, dont la seule activité consiste à détenir des actions de la Société B, rencontre les conditions de l’article 726.4.15 de la LI.

Dans une interprétation privée datée du 24 février 2022, l’Agence du revenu du Québec (Revenu Québec) a émis l’opinion que la Société A serait une «société admissible» en vertu de l’article 726.4.15 de la LI.

Revenu Québec indique que la Société B sera une «société de mise en valeur» au sens de l’article 363 LI qui se qualifie également de «société admissible» au sens de l’article 726.4.15 LI. Dans la mesure où la Société B renonce aux FCE engagés en vertu des articles 359.2 ou 359.2.1 LI, cette renonciation sera effectuée en faveur des actions accréditives détenues par la Société A dans la Société B. La Société A sera alors réputée avoir engagés les FCE auxquels la Société B a renoncé sa faveur en vertu de l’article 359.3 LI. La Société A pourra ainsi renoncer au FCE à l’égard des actions accréditives détenues par ses actionnaires.

En guise de complément d’information, les articles 359.2, 359.2.1, 359.3 et 363 LI sont libellés comme suit:

Art. 359.2. Renonciation à un montant relatif à des frais canadiens d'exploration — Lorsqu'une personne a donné, en vertu d'une entente, une contrepartie à une société pour l'émission d'une action accréditive de celle-ci et que, pendant la période qui commence le jour où l'entente a été conclue et qui se termine 24 mois après la fin du mois qui comprend ce jour, la société a engagé des frais canadiens d'exploration, autres que des frais réputés des frais canadiens d'exploration de la société en vertu du premier alinéa de l'article 399.3, celle-ci peut, après s'être conformée aux exigences de l'article 359.10 à l'égard de l'action et avant le 1er mars de la première année civile commençant après cette période, renoncer en faveur de la personne, à l'égard de l'action, à un montant égal à l'excédent de la partie de ces frais qui a été engagée par la société au plus tard le jour où la renonciation prend effet, appelée «frais déterminés» dans le présent article, sur l'ensemble des montants suivants: 

a) le montant d'aide que la société a reçu, est en droit de recevoir ou peut raisonnablement s'attendre à recevoir à un moment quelconque, et que l'on peut raisonnablement relier à ces frais déterminés ou à des activités d'exploration au Canada auxquelles ces frais déterminés sont reliés, autre qu'un montant d'aide que l'on peut raisonnablement relier à des frais visés à l'un des paragraphes b et b.1;

b) ceux de ces frais déterminés qui sont des frais généraux canadiens d'exploration et de mise en valeur prescrits de la société;

b.1) ceux de ces frais déterminés dont chacun représente le coût ou le coût d'utilisation de données sismiques lorsque l'une des conditions suivantes est remplie:

i. les données ont été acquises, autrement qu'en raison de l'exécution de travaux dont elles sont le résultat, par une autre personne avant que le coût soit engagé;

ii. un droit d'utilisation de ces données a été acquis par une autre personne avant que le coût soit engagé;

iii. les travaux desquels découle la totalité ou la quasi-totalité de ces données ont été exécutés plus d'un an avant que le coût soit engagé;

c) l'ensemble des montants auxquels la société a renoncé par ailleurs en vertu du présent article à l'égard de ces frais au plus tard le jour où la renonciation est faite.

Restriction — Toutefois, le montant auquel la société peut renoncer en vertu du premier alinéa ne peut dépasser:

a) l'excédent de la contrepartie reçue pour l'action sur l'ensemble des autres montants auxquels la société a renoncé à l'égard de l'action en vertu du présent article ou de l'un des articles 359.2.1 et 359.4 au plus tard le jour où la renonciation est faite; ou

b) l'excédent des frais cumulatifs canadiens d'exploration de la société le jour où la renonciation prend effet, calculés avant de tenir compte des montants auxquels la société a renoncé en vertu du présent article le jour où la renonciation est faite, sur l'ensemble des montants auxquels la société a renoncé, avec effet au plus tard le jour où la renonciation prend effet, en vertu du présent article à l'égard d'une autre action le jour où la renonciation est faite. 

Art. 359.2.1. Renonciation à un montant relatif à certains frais canadiens de mise en valeur — Lorsqu’une personne a donné, en vertu d’une entente, une contrepartie à une société pour l’émission d’une action accréditive de celle-ci, que le montant de capital versé de la société, au moment où la contrepartie est donnée, n’excède pas 15 000 000 $ et que, pendant la période qui commence le jour où l’entente a été conclue et qui se termine le 31 décembre 2018 ou, s’il est antérieur, le jour qui suit de 24 mois la fin du mois qui comprend le jour où l’entente a été conclue, la société a engagé des frais canadiens de mise en valeur qui sont décrits à l’un des paragraphes a et a.1 de l’article 408 ou qui seraient décrits au paragraphe d de cet article si le renvoi, dans ce paragraphe, aux «frais décrits aux paragraphes a à c» était remplacé par un renvoi aux «frais décrits à l’un des paragraphes a et a.1» et qui ne sont pas des frais réputés engagés le 31 décembre 2018 en vertu de l’article 359.8, la société peut, après s’être conformée aux exigences de l’article 359.10 à l’égard de l’action et avant le 1er mars de la première année civile commençant après cette période, renoncer en faveur de la personne, à l’égard de l’action, à un montant égal à l’excédent de la partie de ces frais qui a été engagée par la société au plus tard le jour où la renonciation prend effet, appelée «frais déterminés» dans le présent article, sur l’ensemble des montants suivants:

a) le montant d'aide que la société a reçu, est en droit de recevoir ou peut raisonnablement s'attendre à recevoir à un moment quelconque, et que l'on peut raisonnablement relier à ces frais déterminés ou à des activités de mise en valeur au Canada auxquelles ces frais déterminés sont reliés, autre qu'un montant d'aide que l'on peut raisonnablement relier à des frais visés au paragraphe b;

b) ceux de ces frais déterminés qui sont des frais généraux canadiens d'exploration et de mise en valeur prescrits de la société;

c) l'ensemble des montants auxquels la société a renoncé par ailleurs en vertu du présent article ou de l'article 359.4 à l'égard de ces frais au plus tard le jour où la renonciation est faite. 

Art. 359.3. Effet de la renonciation — Sous réserve des articles 359.11 à 359.12.0.1, lorsqu'une société renonce à un montant en faveur d'une personne en vertu des articles 359.2 ou 359.2.1, les règles suivantes s'appliquent:

a) les frais canadiens d'exploration ou les frais canadiens de mise en valeur auxquels le montant se rapporte sont réputés des frais canadiens d'exploration engagés par la personne pour un tel montant le jour où la renonciation prend effet;

b) sauf à l'égard de la renonciation, les frais canadiens d'exploration ou les frais canadiens de mise en valeur auxquels le montant se rapporte sont réputés, à compter du jour où la renonciation prend effet, ne jamais avoir été des frais canadiens d'exploration ou des frais canadiens de mise en valeur, selon le cas, engagés par la société.

Art. 363. Société de mise en valeur — Une société de mise en valeur désigne, pour l'application du présent chapitre, une société dont l'entreprise principale est l'une des activités suivantes, ou une combinaison de celles-ci: 

a) la production, le raffinage ou la mise en marché du pétrole, de ses dérivés ou du gaz naturel;

a.1) la recherche du pétrole ou du gaz naturel par exploration ou forage;

b) l'extraction de minéraux ou la recherche de minéraux par exploration;

c) le traitement du minerai pour en extraire des métaux ou des minéraux;

d) le traitement ou la mise en marché de métaux ou de minéraux extraits de minerai et contenant des métaux ou des minéraux extraits du minerai traité par la société;

e) la fabrication de métaux;

f) l'exploitation d'un pipeline servant au transport du pétrole ou du gaz;

f.1) la production ou la mise en marché du chlorure de calcium, du chlorure de sodium, du gypse, du kaolin ou de la potasse;

g) la fabrication de produits nécessitant le traitement du chlorure de calcium, du chlorure de sodium, du gypse, du kaolin ou de la potasse;

h) la production ou la distribution d'énergie, ou la production de combustible, au moyen d'un bien visé à l'une des catégories 43.1 et 43.2 de l'annexe B du Règlement sur les impôts (R.R.Q., c. I-3, r. 1);

i) l'élaboration de projets dans le cadre desquels l'on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'au moins 50 % du coût en capital des biens amortissables devant être utilisés dans chaque projet représente le coût en capital de biens visés à l'une des catégories 43.1 et 43.2 de l'annexe B du Règlement sur les impôts.

Société de mise en valeur — Une société de mise en valeur désigne également, pour l'application du présent chapitre, une société dont la totalité ou la quasi-totalité des éléments de l'actif est constituée d'actions du capital-actions, ou de dettes, d'une ou de plusieurs sociétés de mise en valeur auxquelles elle est liée autrement qu'en vertu d'un droit visé au paragraphe b de l'article 20. 

Tel qu’indiqué par Revenu Québec, la Société A pourra être considérée comme une «société admissible» au sens de l’article 726.4.15 LI en raison de la renonciation aux FCE faite par la Société B en sa faveur et en raison du fait que la Société A n’exerce aucune activité autre que la détention d’actions de la Société B. Les actionnaires de la Société A, qui sont par ailleurs des particuliers, pourront bénéficier de la déduction additionnelle de 20 % à l’égard des FCE dont la Société A a renoncé en leur faveur.

Cette interprétation est donc limitée à une situation où la Société A n’a aucune activité autre que la détention des actions de la Société B. Dans le cas où la Société A aurait d’autres activités, il serait nécessaire d’analyser la nature des activités afin de déterminer si la Société A exerce des activités dont la nature pourrait affecter négativement la qualification de la Société A en tant que «société admissible» au sens de l’article 726.4.15 LI.

Me Éric Gélinas
Professeur agrégé

Me Éric Gélinas, professeur agrégé, département de fiscalité, École de de gestion, Université de Sherbrooke.

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