TAT rejette plainte de congédiement déguisé : pas d’intention de rompre après congé parental
Résumé : Le Tribunal administratif du travail a rejeté une plainte pour congédiement déguisée d’une salariée qu’elle estimait être survenu à la suite de son congé parental. Après analyse, la preuve n’a pas révélé une intention de l’employeur de rompre le lien d’emploi [2] .
Le Tribunal administratif du travail (« TAT ») était saisi d’une plainte de madame Valérie Bourdon contre son ex-employeur, 9305-4179 Québec inc. (J.B. Construction), alléguant un congédiement déguisé survenu à la suite de son congé parental. Elle alléguait un cumul d’événements indiquant que l’employeur ne souhaitait plus être lié par le contrat de travail et ne voulait pas la reprendre à l’échéance de son congé parental. L’employeur niait quant à lui ses prétentions et faisait valoir qu’il avait toujours eu l’intention de reprendre la plaignante.
I. Faits
Mme Bourdon, employée responsable de tâches administratives et de comptabilité depuis 2018, prétendait que l’employeur ne souhaitait plus la reprendre à son retour de congé parental et qu’il avait, par divers comportements, manifesté une volonté implicite de rompre le lien d’emploi.
Le TAT, présidé par le juge administratif Sylvain Gagnon, devait déterminer si les gestes reprochés à l’employeur constituaient, pris ensemble, une manifestation de son intention de ne plus être lié par le contrat de travail, dans le contexte d’une plainte fondée sur l’article 124 de la Loi sur les normes du travail.
La plaignante invoquait plusieurs faits pour démontrer un comportement abusif de la part de l’employeur, empreint de malice, de mauvaise foi et d’arbitraire :
- des erreurs de paie commises en lien avec son retrait préventif et de difficultés rencontrées avec les autorités de l’assurance-emploi;
- des problèmes avec une maison achetée à l’employeur;
- un courriel de menaces;
- des propos diffamatoires tenus par un actionnaire de l’employeur à l’égard du conjoint de la plaignante, le conjoint, lors d’une visite chez le concessionnaire où celui-ci travaille;
- le comportement dangereux sur la route de certains actionnaires à l’égard de la plaignante;
- des propos tenus par un des actionnaires dans le stationnement d’un restaurant McDonald’s;
- l’absence de réponse de la part de l’employeur à ses nombreuses demandes de lui confirmer l’adresse exacte de ses nouveaux bureaux, afin qu’elle sache où se présenter lors de son retour au travail.
II. Décision
Le TAT a analysé ces éléments un à un. Il a d’abord conclu que les erreurs de paie résultaient de simples maladresses comptables corrigées rapidement par l’employeur avec l’aide d’une médiatrice de la CNESST. Aucune mauvaise foi ni intention de rupture n’a été démontrée.
Concernant les problèmes immobiliers, la preuve a montré que le litige relatif à la maison achetée de l’employeur relevait de la sphère privée et n’avait aucun lien avec la relation d’emploi. De même, le courriel de menaces envoyé au conjoint de la plaignante par un des actionnaires visait exclusivement un conflit personnel, et non Mme Bourdon elle-même.
Les incidents sur la route et les propos tenus dans le stationnement d’un restaurant McDonald’s ont également été jugés non probants. Les faits reposaient sur des témoignages contradictoires et ne permettaient pas de conclure à une conduite fautive ou intimidante des actionnaires envers la plaignante.
Quant à l’absence de réponse à ses courriels sur l’adresse du lieu de travail, le TAT a estimé qu’il s’agissait d’un simple oubli administratif survenu plusieurs mois avant son retour prévu, et qu’une personne raisonnable n’y verrait pas un congédiement déguisé.
Dans son analyse globale, le TAT rappelle qu’un congédiement déguisé suppose des gestes cumulés qui, de façon objective, amèneraient une personne raisonnable à conclure que l’employeur ne souhaite plus être lié par le contrat. Or, la majorité des événements invoqués découlaient de tensions entre les actionnaires et le conjoint de la plaignante, sans rapport avec son emploi.
Le juge administratif souligne que, même si Mme Bourdon pouvait sincèrement se sentir insécurisée, ses impressions personnelles ne suffisent pas à établir l’existence d’un congédiement déguisé au plan juridique. Le TAT conclut que l’employeur n’a posé aucun geste révélant une intention de mettre fin à la relation d’emploi.
En conséquence, la plainte de Mme Bourdon a été rejetée, le TAT estimant qu’aucune preuve ne démontrait un congédiement déguisé ni un comportement de l’employeur rendant la situation intolérable pour la salariée. Par ailleurs, l’employeur n’avait jamais été informé de la perception de la plaignante, ce qui l’a empêché de la rassurer sur ses intentions.
III. Conclusion
En somme, on ne saurait conclure à un congédiement déguisé sur la seule base d’un malentendu qu’il aurait été possible de dissiper. L'absence d'intention claire de mettre fin à la relation d’emploi, combinée à l'absence de gestes de l'employeur rendant le maintien en poste intolérable, empêchait de qualifier la situation de congédiement déguisé.
- Bourdon c. 9305-4179 Québec inc., 2025 QCTAT 1859.