Fiscalité et comptabilitémars 12, 2019

Décisions récentes en taxes à la consommation

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Fourniture de tentes-roulottes à des acquéreurs américains — Omission de percevoir la TVH — Cotisation — Demande de décret de remise — Pouvoir du ministre

Escape Trailer Industries Ltd. c. Canada (P.G.), 2019 CF 31 La contribuable fabrique et vend des tentes-roulottes («roulottes»). Dans le cadre de son entreprise, elle vend régulièrement des produits à des clients américains. Dans ces situations, elle livre les roulottes à la frontière canado-américaine et le client en prend possession du côté canadien. Par erreur, la contribuable omet de percevoir la TVH sur ces transactions et le ministre du Revenu national («Ministre») émet des cotisations en conséquence. La contribuable paie les cotisations et demande un décret de remise en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques. Le Ministre refuse la remise et la contribuable demande la révision judiciaire de cette décision. La requête est rejetée. La Cour est sympathique à la cause de la contribuable, qui a fait une erreur de bonne foi. Cela dit, la décision du Ministre n'est pas déraisonnable dans les circonstances et la requête doit donc être rejetée.

Remboursement pour immeuble d’habitation neuf refusé — Demande alternative de remboursement pour immeuble d’habitation locatif neuf — Délai pour demander le remboursement

Poirier c. La Reine,2019 CCI 8 Le contribuable et sa conjointe acquièrent un immeuble résidentiel neuf et cèdent leur droit au remboursement de la taxe au constructeur. 22 mois plus tard, le constructeur soumet la demande au ministre du Revenu national («Ministre»). En procédant à l'analyse de la demande, le Ministre réalise que le contribuable n'a jamais habité l'immeuble. Le Ministre rejette alors la demande de remboursement, mais indique au contribuable qu'il existe un remboursement  accordé aux locateurs d'immeubles d'habitation neufs. Le contribuable demande alors ce remboursement, mais cette demande est refusée puisqu'elle est présentée hors délai.  Le contribuable porte cette décision en appel. L’appel est rejeté. Les délais ne sont pas imputables au Ministre, mais plutôt au constructeur et au contribuable. De plus, le fait de demander le remboursement pour immeuble d'habitation neuf ne crée pas une présomption de demande alternative du remboursement pour immeuble d'habitation locatif. Les deux remboursements font l'objet de procédures distinctes dans la LTA et utilisent des formulaires différents.  

Indemnité — Paiement compensatoire en règlement d’un litige — Perception de la taxe sur ce paiement — Demande de CTI suite à l’achat d’un véhicule

BH Parkway Place Ltd. c. La Reine,2019 CCI 7 La contribuable est propriétaire d'un centre commercial. Dans le contexte du règlement d'un litige acrimonieux avec un ancien locataire, elle reçoit une somme d'argent. Le ministre du Revenu national («Ministre») considère cette somme comme un paiement pour mettre fin à un bail commercial, et conséquemment, comme un montant assujetti aux dispositions de l'article 182 LTA. Par ailleurs, la contribuable acquiert un véhicule de type «VUS» et réclame un CTI pour la valeur totale du véhicule, ce que le Ministre lui refuse. La contribuable porte ces deux décisions en appel. L'appel est accueilli en partie. Le paiement reçu de l'ancien locataire est en partie pour mettre fin au bail et en partie pour régler d'autres aspects du litige. La Cour détermine que 67 % du paiement est visé par l'application de l'article 182 LTA, la contribuable doit remettre les taxes en conséquence. Quant au VUS, vu les circonstances particulières du dossier, dont l'état de santé du représentant de la contribuable, l'achat est raisonnable et la contribuable a droit à la totalité du CTI réclamé.  

Immeuble loué à un tiers — Changement d’usage — Fourniture à soi-même — Autocotisation — Fourniture exonérée de location par bail — Diligence raisonnable

Prima Properties (92) Ltd. c. La Reine,2019 CCI 4 La contribuable est propriétaire d'un immeuble qu'elle loue à un tiers qui y opère un hôtel. En 2010, elle loue son immeuble à un nouveau locataire, soit un organisme à but non lucratif qui l'utilise pour fournir des logements à des sans-abris. Le ministre du Revenu national («Ministre») considère qu'il s'agit d'un changement d'usage de l'immeuble et que la contribuable doit s'autocotiser en vertu d'une fourniture à soi-même présumée en vertu de la LTA. Le Ministre considère également qu'il est justifié d'émettre la cotisation au-delà de la période normale de nouvelle cotisation, car la contribuable a l'obligation de déclarer la transaction.  La contribuable porte cette décision en appel. L'appel est accueilli. Le Ministre a le fardeau de prouver que la contribuable a agi volontairement pour éviter le paiement des taxes. Or, cette preuve n'est pas effectuée en l'espèce. La contribuable considère, de bonne foi, qu'il n'y a pas de changement d'usage. Elle utilise également les services d'experts-comptables. La contribuable fait donc preuve de diligence raisonnable et la cotisation ne peut être émise hors délai.  

Importation de cigarettes — Droits d’importation payés — Taxe payée par erreur —Demande de prorogation de délai — Loi sur les Indiens

Johnson c. La Reine,2019 CCI 13 Dans le cadre de l'exploitation de son entreprise de vente en gros, le contribuable importe au Canada des cigarettes en provenance d'Allemagne. Il paie l'ensemble des droits relatifs à l'importation dont la TPS. Or, en tant qu'Indien résidant sur une réserve, le contribuable considère ne pas avoir à payer ces sommes. Suite à des discussions avec le ministre du Revenu national («Ministre»), le contribuable dépose un avis d'opposition et/ou une demande de remboursement. La nature exacte des documents n'est pas claire, mais dans tous les cas ils sont déposés hors délais. Le contribuable demande une prorogation de délai au tribunal. La requête est rejetée. La demande du contribuable est soumise hors délai et c'est le contribuable qui en est responsable. De plus, à la face même du dossier, il est évident que le contribuable n'a aucune chance de succès. Dans ces circonstances, la Cour ne peut accepter la demande de prorogation.  

Responsabilité cédant-cessionnaire — Paiements hypothécaires par l’époux — Montant à titre de salaire — Transfert sans contrepartie

Menzies c. La Reine,2019 CCI 29 La contribuable est propriétaire d'une résidence. Au fil des ans, son époux, un comptable qui opère à son propre compte, effectue un certain nombre de paiements hypothécaires sur des prêts garantis par la résidence de la contribuable. De plus, elle reçoit des sommes d'argent qu'elle déclare à titre de «salaire» de l'entreprise de son conjoint, même si le rôle qu'elle y joue est vague. Le conjoint a une dette fiscale envers le ministre du Revenu national («Ministre») et ce dernier considère que la contribuable bénéficie de transferts de fonds sans contrepartie. Le Ministre émet des cotisations en conséquence à la contribuable. Celle-ci porte la décision du Ministre en appel. L'appel est accueilli. Dans la gestion d'une petite entreprise familiale, il peut être difficile de départager les éléments personnels et les éléments strictement d'affaires. En l'espèce, la Cour est convaincue que les prêts hypothécaires payés par le conjoint de la contribuable étaient directement liés à son entreprise et qu'il ne s'agissait pas d'un transfert à celle-ci. Par ailleurs, le salaire de la contribuable a toujours été maintenu au même niveau et semble raisonnable dans les circonstances. Il n'y a donc pas de transfert sans contrepartie.  

Fourniture de bijoux — Bijoux livrés à l’aéroport — Règles sur le lieu de fourniture — Preuve d’exportation — Fourniture effectuée au Canada

Montecristo Jewellers Inc. c. La Reine,2019 CCI 31 La contribuable vend des montres et bijoux haut de gamme. Une partie de ses ventes est effectuée au profit d'une clientèle asiatique, qui acquiert les bijoux pour les apporter en Chine. La contribuable développe une procédure de vente où elle livre les bijoux à ses clients à l'aéroport de Vancouver et rencontre un agent des douanes avec le client. Les bijoux sont ensuite remis aux clients, qui les transportent avec eux sur leurs vols. La contribuable considère les bijoux comme étant «exportés», donc comme constituant des fournitures pour lesquelles elle n'a pas à percevoir la TPS/TVH. Le ministre du Revenu national («Ministre») soutient plutôt que les fournitures sont effectuées au Canada et constituent des fournitures taxables. La contribuable porte la décision du Ministre en appel. L’appel est rejeté. La Cour analyse minutieusement la procédure de livraison et la définition de l'expression anglaise «to ship» au sens de la LTA. Ultimement, le tribunal conclut que le bien est physiquement remis au client au Canada et que dès lors il peut en jouir pleinement. La livraison se fait donc au Canada et la fourniture est taxable.
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